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Éditorial
La cinquième édition du Forum mondial Normandie pour la Paix s’est tenue les 23 et 24 septembre dernier sur le thème « A bas les murs ! Ces enfermements qui font les guerres ». Plusieurs milliers de participants et près de 1 500 lycéens se sont donnés rendez-vous pour échanger autour des tensions qui pèsent sur notre monde.
Acteurs de la paix de demain, la jeunesse tient une place importante dans la programmation de cet événement. Chaque année, la Région Normandie, en partenariat avec les autorités académiques, déploie de nombreux programmes pédagogiques et temps forts à destination des lycéens normands. Au cours du Forum, six débats ont été spécialement dédiés aux jeunes afin qu’ils puissent aborder des sujets variés tels que les murs mémoriels, la lutte contre les inégalités ou encore les enjeux du numérique.
Cette cinquième édition s’est tenue dans un contexte international alarmant marqué par la guerre en Ukraine. Les conséquences de cette guerre font peser des risques majeurs sur les ressources économiques, énergétiques et alimentaires des pays du monde entier. En feuilletant les articles rédigés par les élèves du lycée Georges Brassens de Neufchâtel-en-Bray, vous retrouverez la parole de nombreux experts venus échanger sur ce conflit et tant d’autres sujets d’actualité internationale comme la situation des Ouïghours, les tensions à Taïwan, les murs entre Israël et Palestine ainsi qu’entre les deux Corées…
Le projet « La Colombe » constitue un formidable marqueur d’engagement de la jeunesse normande en faveur de la paix au travers de l’initiative Normandie pour la Paix et je tiens vivement à remercier et à féliciter ces lycéens et leurs encadrants pour le travail qu’ils ont fourni dans la rédaction de cette nouvelle édition.
Bonne lecture à toutes et à tous et je vous donne d’ores et déjà rendez-vous en 2023 pour la 6ème édition du Forum mondial Normandie pour la Paix.
Hervé MORIN.
Président de la Région Normandie.
À bas les murs !
Cette fresque réalisée par la compagnie In Fine illustre le thème, "À bas les murs", au cœur des débats du 5e Forum mondial Normandie pour la Paix qui s'est déroulé à l'Abbaye aux Dames à Caen les 23 et 24 septembre. La chute du Mur de Berlin et l’avènement d’un monde de libre échange n’ont pas fait disparaître les murs "de sécurité" ou de séparation. Depuis le mur à la frontière entre les États-Unis et le Mexique, jusqu’au mur de séparation entre Israël et les territoires palestiniens, les murs se sont multipliés contribuant à diviser les populations et à favoriser les idéologies extrêmes qui mènent au fanatisme et à la guerre.
Une journée au Forum
Nouveauté de cette 5e édition consacrée aux « murs comme obstacle à la Paix », une journée réservée à la jeunesse.
Depuis cinq ans, se tient à Caen le Forum mondial Normandie pour la Paix organisé par la Région Normandie. Le Forum se déroule sur deux jours et permet aux personnes qui le souhaitent, d'assister à des conférences, de rencontrer et d'échanger avec des experts. Cette année, la 5e édition avait pour thème : "A bas les murs ! Ces enfermements qui font les guerres". Cette année, la Région Normandie présidée par Hervé Morin, a, comme toujours, privilégié l'accueil de la journée du vendredi à la jeunesse lycéenne. "Elle est la génération de la paix nouvelle", souligne Bertrand Badie, professeur émérite à Sciences Po et en tant que co-directeur scientifique du Forum à l'origine de cette initiative.
Tout au long de la journée, les lycéens ont suivi des conférences et des débats sur la guerre en Ukraine, Taïwan, la Corée du Nord ou encore la situation des Ouïghours. De nombreuses animations se sont tenues sur le Village pour la Paix avec des rencontres d'experts et des séances de dédicace au sein de la librairie.
Une performance artistique pour "briser les murs"
Lors de la pause méridienne, les lycéens ont pu assister à la représentation "Hors le Mur" de la compagnie "In Fine" qui mêlait danse artistique, lecture à voix haute, musique et graphe. Conçue comme une performance pluridisciplinaire, cette création visait à dénoncer et à briser les murs physiques et virtuels qui sont "la traduction de nos peurs, de nos enfermements et de nos fragilités" selon l'un des membres de la compagnie. Ce fut une journée riche en rencontres et en émotion pour peut-être, répondre au défi de la construction de la Paix.
Quentin DEHEDIN.
Cliquez sur le lien de la photo afin de visionner un passage de la prestation.
...et côté lycéens
Le public lycéen était en nombre la première journée du forum. Impressions...
Qu'avez-vous appris aujourd'hui ?
L'impact des frontières sur la paix dans le monde, si elles sont matérielles ou immatérielles.
Quel est l'objectif de cet évènement ?
Sensibiliser les jeunes et les éclairer sur la réalité du monde actuel.
Ces interventions viennent-elles appuyer vos cours ?
Oui, beaucoup de précisions qui peuvent nous servir pour le bac.
Selon vous ces sujets devraient-ils être au programme d'enseignement ?
Ça devrait faire partie du cursus scolaire. Car, c'est essentiel pour comprendre le monde aujourd'hui.
Le Forum vous a-t-il "ouvert les yeux" sur certains sujets ?
Oui, on a tendance à oublier certains conflits et le Forum nous a donné des précisions sur certaines situations géopolitiques.
Points négatifs ou positifs de cette journée ?
La première conférence était intéressante mais un peu longue. En point positif il y avait beaucoup de stands d'ONG et de nombreuses animations.
Thomas RAGARU.
Le forum côté professeurs ...
Les professeurs accompagnaient leurs élèves. Leurs impressions...
Quel est l'objectif de cet évènement selon vous ?Organiser avec nos élèves des rencontres avec les acteurs de la paix.
Qu'avez vous appris aujourd'hui ?
La difficulté de construire la paix dans le monde. Les moyens d'action et les acteurs de la paix (comme des élèves qui, à l'échelle de leur lycée, peuvent se mobiliser).
Ces interventions viennent-elles appuyer vos cours ?
Oui, il y avait une conférence sur les stratégies géopolitiques, et le concept de puissance, deux notions qui figurent dans "Guerre et paix" des cours de HGGSP (histoire-géographie, géopolitique et sciences politiques).
Les sujets développés peuvent-ils s'adresser à tous ?
La géopolitique devrait être enseignée à tous pour mieux comprendre le monde actuel sinon il est compliqué d'être citoyen et d'agir.
Points négatifs ou positifs ?
L'évènement est bien organisé, c'est adapté et interactif pour les élèves.
Des sujets auraient pu être davantage exposés ?
Les conflits au Moyen-Orient. C'est une région encore très tendue comme par exemple au Yémen et en Syrie.
Thomas RAGARU.

Les murs sont des entraves à la paix
Renforcer les frontières par des obstacles matériels est une source de violence et de conflit.
Les murs "obstacles" à la paix, tel était le sujet de la conférence plénière inaugurale du vendredi 23 septembre.
Plusieurs intervenants se sont succédés devant plus de 1 000 personnes, dont une majorité de lycéennes et de lycéens accompagnés de leurs professeurs.
Les murs se dressent partout dans le monde
"Au fil de l’Histoire, on a vu les murs devenir de plus en plus nombreux" souligne en introduction Bertrand Badie, professeur émérite à Sciences Po Paris et co-directeur scientifique du Forum. Ils se multiplient et marquent un monde plus fracturé qu'il n'y parait.Il sont des symboles matériels de la souveraineté d'un État.
Leur finalité varie selon les époques, le contexte, les acteurs politiques. Ils n'agissent pas seulement sur les territoires. Ils sont un objet complexe et multifonctionnel qui maintient différentes formes de pouvoir.
Les murs séparent, excluent et fabriquent de la violence
Pour Bertrand Badie, un mur, c'est d'abord une séparation "qui marque l'incompréhension dans le monde qui n'existe que grâce à l'inter-compréhension." C'est aussi une forme de renfermement par réflexe identitaire.
La peur en est la cause "Le mur exclut, il est une usine à fabriquer perpétuellement des ennemis" poursuit Bertrand Badie.
On a peur
donc on s'enferme
Le mur est là pour fragiliser le plus faible. Avec le risque sinon la volonté de faire basculer une partie de l'humanité dans l'insécurité, la privant de ressources alimentaires, énergétiques, économiques, sanitaires.
Beaucoup de femmes, d'hommes et d'enfants meurent à cause de ces privations et de cette exclusion. Pour Bertrand Badie "l’ignorance de la souffrance de l’autre conduit vers les violences les plus fortes". » Les exemples dans l’Histoire, ne manquent pas.
Une fausse solution
Pour François-Xavier Priollaud, vice-président du Conseil régional de Normandie," Les murs n'ont jamais apporté de solutions réelles aux problèmes qu'ils étaient censés combattre. Pire, ils génèrent de nouveaux problèmes".
Lucie FORFAIT.
Trois questions à Bertrand Badie
Professeur émérite à Sciences Po et co-directeur scientifique du Forum mondial Normandie pour la Paix, Bertrand Badie a accepté de répondre à nos questions.
Quel est selon vous l'intérêt du Forum mondial Normandie pour la Paix ? Pourquoi est-il important de réserver la journée du vendredi à la jeunesse ?
Il est primordial d'apprendre à caractériser la paix. On ne s'est jamais vraiment préoccupé de la définir. La paix ce n'est pas seulement la non-belligérance, c'est la construction de la dignité et de la viabilité humaine[...] la possibilité pour les êtres humains de satisfaire leurs besoins essentiels. Une telle implication du Forum sur cette question de paix est pour moi rarissime.Y associer la jeunesse rejoint mon idéal, qui serait que le système éducatif français initie à la paix. Je souhaite que la nouvelle génération ait la chance d'en discuter.
Que pensez-vous du thème retenu pour cette 5e édition ? Selon vous, était-il le thème à traiter cette année ?
Oui, il s'agissait bien du thème à retenir : La séparation crée de la violence, de la radicalité, toute une série de menaces. Le thème de cette année est de comprendre et de faire réfléchir sur les murs virtuels qui tiennent une grande place dans la société actuelle. Cette thématique des murs qui empêchent la paix est un projet à très, très long terme. Cela signifie qu'il faut en discuter dès aujourd'hui. Si l'on veut que la violence régresse, il faut que les séparations s'estompent.
Vladimir Poutine a récemment décrété une mobilisation partielle et de nouveau brandi la menace nucléaire. Quelle est votre analyse sur ce conflit ? Pensez-vous qu'il soit possible de ramener la Paix dans cette partie du continent européen ? Comment ?
Poutine a perdu cette guerre très vite. S'ajoute à cela une deuxième guerre, la résistance sociale ukrainienne. Poutine a transformé cette guerre sociale en peur sociale. Le chantage nucléaire découlerait donc de cette volonté de terroriser, et il est en particulier adressé aux soutiens européens de l'Ukraine, ce que j'appelle l'intersocialité.
Cette arme de dissuasion nucléaire serait principalement là pour faire reculer mais rien ne peut garantir la décision du dirigeant russe. Il s'agit ici du nerf des sciences sociales", son point faible : le libre arbitre. En se basant sur le discours de Joe Biden, il dit : on ne gagne pas une guerre nucléaire, ce qui tente de nous rassurer. Mais malheureusement, si l'acteur concerné est irrationnel, tout devient possible. C'est donc ici tout le problème de cette guerre, l'incertitude.
Écoutez l'intégralité de cet entretien en cliquant sur l'icône son sur la photo.
Louise VIELLE
et Lou MALLET.
Vladimir Poutine et l'espace post-soviétique
La guerre en Ukraine a été au centre des débats du forum. Ils ont révélé un Kremlin nostalgique de l'ex empire de l'URSS.
Émilie Aubry, rédactrice en chef du "Dessous des cartes", et Tatiana Kastouéva-Jean , spécialiste des politiques intérieure et étrangère russes, ont animé une conférence sur la "nostalgie de l'empire soviétique". Ce sujet a fait l'objet d'un numéro inédit de l'émission d'Arte. Il a été diffusé à cette occasion. La langue russe est à la base du soft power que la Russie exerce sur ses voisins. Héritage de l'URSS, plusieurs pays comme l'Azerbaïdjan, les pays baltes, la Moldavie ou encore l'Ukraine, comportent d'importantes minorités russophones. Elles ont le soutien de Moscou via ses médias d'État, comme ""Russia Today, et sa fondation " Russkiy Mir" ("le Monde Russe").
La Russie entretient aussi avec ses voisins d’importantes relations économiques. Son gaz et son pétrole les maintiennent en situation de dépendance. Moscou est cependant "concurrencé" par l'Occident et la Chine. Les pays baltes, Estonie, Lettonie, Lituanie, ontintégré l’OTAN et l’Union européenne. L'Ukraine et la Moldavie frappent à leurs portes.
Côté Sud, la Chine entretient de bonnes relations avec la Russie. Elle partage sa volonté de "désoccidentaliser" le monde, renforce sa présence et son influence dans les anciennes républiques soviétiques d'Asie Centrale grâce à son projet des "Nouvelles routes de la soie".
Pour sa part, la Turquie a signé un accord avec ces mêmes ex-territoires soviétiques _ Kazakhstan, Ouzbékistan, Turkménistan, Tadjikistan et Kirghizstan _, dans un but stratégique et sécuritaire.
Ces pays conservent des relations économiques avec la Russie. Cela n'empêche pas le Kazakhstan, extrêmement riche en ressources, de vendre son pétrole à la Chine. Ce pays se démarque habilement de Moscou. Sans rompre avec le Kremlin, il a refusé d’envoyer des troupes en Ukraine. Cette décision judicieuse lui permet de ne pas être sanctionné par les pays occidentaux.
Augustine BRIC.
Pour en savoir plus, cliquez sur l'image afin de visionner en entier l'émission du "Dessous des cartes" sur ce sujet.
L'Ukraine, de la guerre à la reconstruction
Un tournant se dessine dans l'histoire de l'Ukraine mais comment reconstruire et se reconstruire dans un pays dévasté ?
Six mois ont passé depuis l'invasion russe de l'Ukraine. La Russie pensait prendre l'Ukraine en trois jours, mais elle a échoué. "Personne n'avait pris en compte l'esprit de résistance du peuple ukrainien", déclare Vadym Omelchenko, ambassadeur d'Ukraine en France. Depuis 1945, c’est la « première fois qu’un pays membre permanent du conseil de sécurité (la Russie) attaque un pays voisin pour lui voler du territoire », souligne François Rivasseau, ancien ambassadeur de la France à l'ONU.
L'Union européenne a pris "six paquets de sanctions contre la Russie", rappele Fabienne Keller, députée européenne, mais ses décisions sont limitées ; des pays comme l'Allemagne et la Hongrie, sont dépendants du gaz russe. Pour autant, le financement des armements intervient via des aides européennes. Un partenariat entre le Parlement européen et son homologue ukrainien, la Rada (Verkhovna Rada of Ukraine) a été créé. « On a les outils pour faire plus, mais il faut de la volonté et de l’argent », insiste François Rivasseau.
Les jeunes enfants qui arrivent dans des écoles françaises par exemple, s'adaptent assez facilement. Mais pour les adolescents, cet éloignement de leurs familles, la barrière de la langue sont plus fortement ressentis .
Aide et solidarité
En Ukraine, il y a "une volonté de rouvrir les écoles qui sont, soit détruites, soit servent de lieux d'accueil pour les déplacés", observe Fabienne Keller. Puis, revenant aux combattants, "ces jeunes soldats ukrainiens sont en train de nous défendre". "Ils ne demandent pas aux Occidentaux de venir combattre auprès d'eux, mais simplement d'avoir les moyens de le faire". Approuve vivement Vadym Omelchenko. L'ambassadeur ajoute "L' aide c'est la solidarité, la compréhensionque nous défendons ensemble notre foyer commun et nos valeurs partagées... Nous construirons la nouvelle Europe, avec une Ukraine moderne et attractive", comme l'ambitionne le président Zelensky. Une réunion est prévue à Bercy. L'Ukraine y annoncera son programme de reconstruction. Vadym Omelchenko espère par ailleurs le concours des entreprises françaises. Julia LE GOURRIEREC.
Ukraine, l'impuissance de l'ONU
Lors de la conférence consacrée à Vladimir Poutine et l'espace post-soviétique, Tatiana Kastoueva-Jean, directrice du Centre Russie/Nouveaux États indépendants de l'IFRI et Émilie Aubry, rédactrice en chef du Dessous des Cartes sur Arte, ont été interrogées sur l'impuissance de l'ONU pour stopper la guerre en Ukraine.
Selon elles, l'ONU est malheureusement paralysée par le Conseil de Sécurité dans lequel les cinq membres permanents ont le droit de véto. C'est très compliqué de s'en sortir dans les conditions où l'un des membres permanents, disposant du droit de véto, est le pays qui agresse comme c'est le cas pour la Russie.
Le 30 septembre par exemple, la Russie a opposé son véto à une résolution du Conseil de sécurité condamnant l'annexion "illégale" de quatre régions de l'Ukraine, célébrée plus tôt dans la journée lors d'une cérémonie officielle à Moscou, et exigeant que la décision soit immédiatement et inconditionnellement annulée. Le projet de résolution, distribué par les États-Unis et l'Ukraine, a été approuvé par dix des quinze membres du Conseil, la Russie votant contre. Quatre membres se sont abstenus, à savoir le Brésil, la Chine, le Gabon et l'Inde. Il existe en effet une sorte de jeu à l'ONU qui est le jeu des alliances. En ce moment la Russie œuvre pour obtenir des pays qui dépendent beaucoup d'elle, des abstentions ou alors l'absence de votes.
Khali SOUICI
et Tifanie DUCHAUSSOY.
Après l'Ukraine, menaces sur Taïwan
Les tensions militaires entre Taïwan et la Chine sont au plus haut alors que Pékin multiplie les démonstrations de force à l'encontre de l'île depuis le début de la guerre pour récupérer ce qu'elle considère comme sa "23e province".
La conférence sur Taïwan réunissait de nombreux intervenants : le chercheur français à la Fondation pour la recherche stratégique et spécialiste de la Chine et de Taïwan ; Antoine Bondaz, Laurence Defranoux, journaliste à "Libération" ; Vincent Grillon, analyste indépendant qui suit les problèmes entre Taïwan et la Chine ; Francois Wu, ambassadeur de Taïwan ; Joseph Wu, l'actuel ministre taïwanais des Affaires étrangères qui participait en visio conférence.
Pourquoi Pékin veut étendre son contrôle sur Taïwan ?
La conférence a évoqué en particulier la volonté de Pékin de reprendre le contrôle de l’île, par la force si nécessaire. Depuis 1949, le régime communiste n’a jamais admis que l’île de Taïwan échappe à son contrôle. Se greffent pour la Chine plusieurs enjeux stratégiques, politiques et économiques. Pékin veut accéder librement à l'océan Pacifique et desserrer la présence américaine dans cette région. Par ailleurs, Taïwan pose problème car c'est un « contre-modèle » politique. Cette île est plus évoluée, libre et ouverte d'esprit. Taïwan montre que le système démocratique fonctionne (comme à Hong-Kong avant). La Chine cherche à récupérer la prospérité de l'île, dont la puissance économique représente un quart de celle de la France. La solution pacifique pour un éventuel retour à la Chine serait « un pays, deux systèmes ». Seulement 1 à 2 % de la population taïwanaise est pour l'union avec la Chine (une minorité).
Aujourd'hui l'Ukraine, demain Taïwan ?
La menace d'une guerre pèse sur Taïwan, les tensions sont de plus en plus fortes, surtout depuis l'entrée en guerre de la Russie contre l'Ukraine. Le discours de Poutine sur l'Ukraine et celui de Xi Jinping sur Taïwan sont assez semblables et les autorités chinoises multiplient les manœuvres militaires de grande ampleur dans le détroit faisant craindre le déclenchement d’une invasion de l’île. De leur côté les États-Unis ont déclaré à plusieurs reprises
qu’ils n’hésiteraient pas à soutenir militairement Taïwan en cas d’attaque. Une invasion de Taïwan pourrait dès lors très vite devenir un conflit international. On parle parfois même de guerre mondiale. Dans ce contexte, L’Europe doit faire de Taïwan une priorité.
Aziadé LENTZ.
Un retour des blocs en Europe ?
Depuis le mois de février, la guerre est de retour en Europe et les alliances qui se reconstituent autour du conflit russo-ukrainien recoupent en partie celles de la guerre froide.
Pour Michel Duclos de l'Institut Montaigne, "ce retour des blocs était en gestation depuis quelque temps, conséquence de la politique toujours plus agressive des dirigeants autoritaires, Vladimir Poutine et Xi Jiping, décidés à remettre en cause l'actuel statu quo".
Un nouveau rideau
de fer en Europe ?
Avec la guerre en Ukraine, "nous ne sommes qu’au début d’un affrontement qui s’annonce durable entre deux blocs : d’un côté, un bloc occidental démocratique, conduit par Washington, englobant l’Europe et certains pays asiatiques, Japon en tête ; et de l’autre, un bloc eurasiatique continental et "anti-occidental", autour de Moscou et Pékin".
Pour l'historienne Sabine Dullin, "ce qui se joue aujourd’hui en Ukraine, ce sont les futures lignes de séparation entre l’Union européenne et la Russie qui veut rétablir, comme avant 1989, une « frontière épaisse »."
Selon elle, "les dirigeants russes, depuis les tsars jusqu’à Poutine, ne cessent de vouloir repousser vers l’ouest les frontières, de peur d’être en contact direct avec ce qu’ils perçoivent comme un adversaire." C’est aujourd’hui l'une des raisons principales pour lesquelles Vladimir Poutine a déclenché la guerre contre l'Ukraine.
Laure LETELLIER
et Ornëlla LEBIGRE.
La lutte des guerrières de la paix
« À bas les murs », avec ce thème, le cas de "la barrière de séparation israélienne" a été évoqué lors d’une conférence.
Ce "mur" bâti par les Israéliens est le symbole de la séparation entre les deux peuples israélien et palestinien et de la paix presque impossible aujourd'hui. C'est dans ce contexte laissant peu de place à l'espoir, quela journaliste et réalisatrice Hanna Assouline est intervenue pour parler des "guerrières pour la paix", titre de son documentaire devenu en 2021 le nom d'un mouvement de femmes pour promouvoir la paix entre israéliens et Palestiniens.
Inspirées du mouvement "Women Wage Peace", les "guerrières pour la paix" rassemblent des femmes israéliennes et palestiniennes, issues de la société civile et de différentes origines et confessions, qui se retrouvent pour marcher ensemble pour la paix dans le but d'amener les dirigeants des deux camps à la table des négociations. Pour Hanna Assouline, "ll y a cette idée de mise en lumière du combat d’autres femmes et d’être les relais de celles qui justement sont parfois trop invisibles alors qu’elles déplacent des montagnes et qu’elles méritent toute notre lumière."
N'ayant pas la crainte de passer pour des traîtres, elles sont un symbole d'espoir et de détermination face à des dirigeants refusant toute paix pour leur peuple.
Le documentaire "les guerrières pour la paix" est disponible dans son intégralité sur YouTube (Lien sur la photo).
Manon FOSSE
et Romane BURAY.
Si verrouillée, la Corée du Nord ?
La Corée du Nord a repris ses tirs de missiles balistiques à portée intermédiaire au dessus de la mer du Japon. Cet événement replace la Corée du Nord sur le devant de la scène internationale.
De la Corée du Nord, présentée comme l'un des pays les plus fermés au monde, trois intervenants sont venus débattre en public : Antoine Bondaz, chercheur à la Fondation pour la recherche Stratégique, Patrick Maurus, professeur émérite de langue et de littérature coréenne et Véronique Mondon, cheffe de Mission chez l'ONG Triangle Génération Humanitaire.
Véronique Mondon a vécu huit années au total en Corée du Nord ; Elle apportait de l'aide alimentaire et aidait à la gestion de fermes collectives de haute production. Le gouvernement nord-coréen dit qu’il n’a plus besoin d’aide alimentaire mais d’aide au développement. Ce qui, d’un point de vue éthique pose problème. Les ONG intervenant en Corée du Nord ne sont pas appelées « ONG » mais « bureaux de l’Union Européenne ». L’accent a également été porté sur la surveillance constante exercée par le régime sur les rares ONG présentes sur place.
Il n’y a pas d’ambassade française non plus, mais "un bureau pour l’éducation et la culture ». Comment dans ces conditions éviter un conflit et qu'une méconnaissance du pays n’aggrave les crises ?
Eleanor HADFIELD
et Elizabeth HADFIELD.
Ouïghours, une population persécutée
Le Haut Commissariat des Nations unies aux droits de l'homme parle de « graves violations » du gouvernement chinois. Il est question de crimes contre l'humanité.
Des millions de Ouïghours majoritairement musulmans vivent dans le Xinjiang, à l'extrême ouest de la Chine. En 2018, des images satellites ont révélé l'existence de camps de "rééducation", ce que déniait jusqu'alors la Chine.
Dans son rapport sur le traitement de la minorité ouïghour, la Haute commissaire de l'ONU aux droits de l'homme, Michelle Bachelet, a évoqué de possibles "crimes contre l'humanité". Cette situation a été au centre d'un débat lors du Forum mondial Normandie pour la Paix.
Travail forcé, stérilisations ?
Pour Marie Mazel, chargée de mission auprès de l’Institut Ouïghour d’Europe, il s'agit d'un “slow genocide" (génocide lent) : des centaines de milliers de Ouïghours sont internés, torturés et persécutés dans des camps dits de "transformation par l’éducation" et de "formation professionnelle". Le régime chinois pratique le travail forcé à grande échelle.
Jean-Claude Samouiller, président d'Amnesty International France, qualifie ces persécutions de crimes contre l'humanité. Les Ouïghours sont surveillés, enlevés et sous pression. Les femmes sont stérilisées de force. Le taux de natalité est en déclin, 900 000 enfants deviennent orphelins, les liens familiaux étant détruits.
Boycotter les marques
Face au silence de la communauté internationale, il faut agir. Boycotter les marques de prêt-à-porter qui profitent du travail forcé des Ouïghours en est la première étape. S'informer, acheter dans des friperies matérielles ou numériques est un exemple d'une alternative responsable.
Pour mettre en lumière les agissements du gouvernement Chinois, les réseaux sociaux sont aussi une bonne option, bien que souvent accusés de désinformation et d'incitation à la haine.
L'eurodéputé Raphaël Glucksmaan a mené une mobilisation en invitant les internautes à se rassembler sous la bannière bleu ciel des Ouïghours et lancer une pétition appelant le président Macron à une condamnation. Suite à ces actions, la marque H&M a annoncé la fin de la collaboration avec son ancien partenaire Huafu.
Parler des Ouïghours est déjà une action pour faire avancer leur cause.
Léonie VALET
et Clarisse MONET.
Journalistes : ces voix par-delà les murs
Le métier de journaliste en tant de guerre est très dangereux voire impossible.
Pour débattre du métier de journaliste en temps de guerre, étaient invités différents intervenants : Antoine Bernard (directeur de Reporters Sans Frontières, RSF) Zaya Spetova, journaliste à la Novaïa Gazetta, qui ne peut plus publier en Russie, Dem Gataïev, journaliste de la chaîne d'information russe DOJD et Zach, un caricaturiste philippin.
Actuellement il y a une "épidémie" d'emprisonnement des journalistes : 572 journalistes détenus dans le monde, selon le décompte effectué par Reporters Sans Frontières et un triste record pour la Chine où 110 journalistes sont en détention. Antoine Bernard ajoute qu'il y a un dénigrement de ce métier. "Aujourd'hui grâce au numérique ou plutôt à cause du numérique, les fausses informations circulent six fois plus vite que les vraies informations sur les réseaux sociaux."
Quelle est aujourd'hui la situation en Russie ?
Zaya Spetova et Dem Gataïev sont en mesure de témoigner de la situation des journalistes en Russie depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine. Beaucoup de journalistes ont fui la Russie de peur des sanctions du Kremlin. Ceux qui travaillent encore sur place sont sous couverture grâce à Reporters sans frontières.
Le journaliste Dem Gataïev présente DOJD ("la pluie", en russe) comme une chaîne d'information indépendante et il souligne que même si le site officiel de DOJD a été fermé par les services russes il n'a jamais cessé de diffuser ses informations sur YouTube.
Grâce à Telegram et à un VPN il est toujours possible de s'informer correctement en Russie.
Depuis le début de la guerre en Ukraine DOJD a connu une explosion d'abonnés et de vues sur YouTube (plus de 25 millions de vues et plus de 3 millions d'abonnés).
Les journalistes face à de nombreux murs.
Plusieurs types de murs rendent le travail de journaliste difficile en temps de guerre : il y a le mur de prison comme on l'a expliqué d'entrée ; le mur du dénigrement par des plaintes abusives ; le mur législatif avec des lois iniques, mais aussi le mur de l’occultation comme le fameux secret défense qui entrave toute enquête journalistique.
Sans oublier le mur numérique de la désinformation mis en avant avec l'intervention de Dem Gadaïv.
Eric POCHON.
Fake news au cœur des débats quotidiens
Distinguer le vrai du faux dans une information, c’est une question de confiance entre le journaliste et le lecteur.
À l’occasion du Forum mondial Normandie pour la Paix, les « fakes news » ou « fausses informations » ont fait l'objet d'un atelier proposé par Ouest-France. Il était animé par Jean-Bernard Cazalets, rédacteur en chef délégué du quotidien, et plus particulièrement destiné aux lycéens.
Le phénomène des "fakes news" est "vieux comme le monde". Comme l'a ajouté Émilie Jehanno de l'équipe « Fack cheking » de 20 minutes, " c'est aussi une information douteuse, ce n'est pas blanc ou noir, c'est gris" car il peut y avoir du vrai dans des informations fausses. Il faut donc vérifier la source et la fiabilité d’une information avant de la republier et la diffuser sur les réseaux sociaux.
Ce conseil concerne plus particulièrement les adolescents. Ils sont les plus vulnérables et les plus exposés aux "fake news" et ils contribuent aussi souvent à leur diffusion via les réseaux sociaux.
Céline Thierry, responsable EMI (Éducation aux Médias et à l’Information) de l’Académie de Normandie, est intervenue en affirmant qu'il fallait être plus curieux, particulièrement en croisant ses sources et privilégier les sources « sûres » comme par exemple les sites officiels ou les sites des médias reconnus.
« Vérifier, vérifier,vérifier »
Émilie Jehanno a ajouté "qu'il faut développer son esprit critique face aux informations qui nous entourent et qu'il faut se questionner sur l'information", en utilisant des outils comme : la recherche par image inversée ou « Siticeum évidence » qui permet de voir le lieu et la date d'une image. À utiliser aussi, la plateforme collaborative contre la désinformation « Hoaxbuster ». Elle permet de limiter la propagation de fausses informations et des rumeurs non-fondées.
Pour Philippe Rifflet, directeur délégué du groupe Publihebdos, il y a trois règles dans le métier de journaliste : "Vérifier, vérifier, vérifier". Quelles conséquences en cas de publication d'une "fake news ?" S'excuser auprès du lecteur, répond sans ambages, Jean-Bernard Cazalets, c'est une question de confiance. Il a ensuite expliqué que c'était déjà arrivé de publier une information erronée, notamment avec l'affaire de Xavier Dupont de Ligonnès. On affirmait que cet homme disparu après le meurtre de sa famille avait été retrouvé. C'était faux, en dépit de sources fiables et recoupées.
Loryne DESSAINT CLAREBOUT
et Chloé VALLOT.