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Et vint le temps des masques...
Depuis bientôt un an, confinement et couvre-feu nous ont contraints à changer nos habitudes de vie.
Alors, comment le monde de l'éducation s'est-il emparé de ses missions d'instruction et de formation pendant le confinement ? et comment enseignants et éducateurs vivent-ils, aujourd’hui encore, ce qu’il est convenu d’appeler la « continuité pédagogique » ?
Entre moitié de classe en présentiel et enseignement à distance, entre confinement et déconfinement puis reconfinement, les professeurs, comme les élèves, ne risquent pas d’oublier cette année 2020 maintenant derrière nous.
L'an dernier, dans les lycées, dans les maisons familiales rurales, toutes et tous ont bouleversé leurs pratiques. La vie a soudainement basculé derrière des masques et l'obligation de se laver les mains plus qu'à l'accoutumée.
Au-delà du côté incommodant, ces bouts de papier ou de tissu ont révélé leur capacité, à la fois, à nous protéger et à nous priver de ce qui est essentiel à la communication : l’expression de notre visage. Nous avons mesuré combien le visage est une somme de moyens d’expression. Combien il est indispensable et complémentaire.
Nous avons demandé aux établissements du réseau JDL de nous faire part de ce vécu exceptionnel dans le contexte sanitaire dont nous ne sommes, hélas, pas sortis. De nous expliquer comment, aujourd'hui encore, ils vivent à distance les uns des autres.
Et, pourtant, le temps du Covid a révélé des valeurs indispensables à nos équilibres humains. C’est ce que nous vous invitons à découvrir dans les pages qui suivent. Vous allez le voir, ce monde de l'éducation a su s'adapter et ne pas simplement subir. C'est tellement encourageant !
Édouard MARET.
Journaliste chargé de l'animation et du pilotage du réseau JDL
Un vendredi 13 du mois de mars 2020
Le réel entre sans frapper à la porte. L'annonce est officielle, un confinement international est mis en place pour espérer nous mettre à l'abri d'un virus devenu incontrôlable. J'ouvre la fenêtre. Dehors, une manifestation de collapsologues [1] passe dans la rue des Tanneurs. Le temps et les transports sont suspendus.
Le lundi matin, c'est panique à bord du bateau qui n'est pas préparé à la vague. Il faut repenser les espaces, respirer avant tout, penser aux priorités. Nous n'allons pas réussir à tout faire en une journée. Téléchargement des logiciels et des tableaux numériques, mise en place de calendrier de travail pour ma fille.
Le travail à la maison nécessitera de porter multiples casquettes : professeure, animatrice de jeux pour enfant, cuisinière. Je prends la mesure des tâches à accomplir, celles que je délègue à des salariées que l'on ne voit pas assez.
Le confinement a ce premier effet pour moi : révéler ces métiers indispensables et sous payés, caissieres, infirmières, aides soignantes, aides à domiciles représentées majoritairement par des femmes, chevilles ouvrières de nos quotidiens parfois loin de l'humain [2]. Toutes et tous des héro-ïne-s dans des conditions précaires.
Les configurations pour le travail scolaire sont opérationnelles. Grâce à la nouvelle technologie, l'enseignant en école primaire pourra célébrer les mathématiques, le français, l'anglais en classe "virtuelle" tous les matins.
Sur le côté de l'écran, Ouamaya, Justine, Charlotte et Lou, en pyjama, parfois avec, sur le bord des lèvres, quelques traces de chocolat... échangent quelques tchats et émoticônes que le professeur des écoles ne verra pas. Des symboles d'une amitié qu'il est difficile de prolonger, des petites figurines qui évoquent que la motivation de la scolarité passe par cette capacité à être ensemble. Un mail de la direction générale nous invite dans un second temps à "faire de notre mieux".
Au lycée, la directrice a rapidement réagi à cette situation et s'est entourée d'une équipe de choc pour performer les calendriers, harmoniser la communication entre élèves, parents et enseignants.
Le CPE a transformé ses compétences éducatives pour rejoindre l'équipe d'urgence. Des décisions de chômage partiel sont délicates à annoncer à certains membres du personnel. La continuité pédagogique est assurée grâce au logiciel "École Directe".
Directs, nous le serons, par des appels aux parents et aux élèves, nous serons en direct des problèmes sociaux et numériques rencontrés. "On est en bout de ligne, on n'a pas accès tout le temps à vos cours, c'est difficile". "On n'a pas tous la même version numérique des fichiers.
"Je continue mon travail, mais je partage un ordinateur avec mes quatre soeurs et mes parents, je télécharge tout ce que je peux, sinon, je travaille sur mon portable". "J'ai besoin d'argent, alors, je pense que je vais aller travailler à l'hôpital pendant les vacances".
Les parents soulignent les problèmes de gardes alternées, des cas de covid impactent des familles. J'apprécie les encouragements de certains "On aime bien avoir votre appel" Ah au fait, vous en savez plus sur la suite... "Désolée, Monsieur, je ne suis pas ministre !!!!" Rires.
Dans le cadre de cette pédagogie d'urgence et de la mise en place d'outils pour faciliter la continuité pédagogique, la motivation des élèves a changé. Les notes ne sont plus au cœur de l'enjeu éducatif puisqu'il s'agit d'un contrôle continu. Certains réclament des cours. D'autres, ne parvenant pas à s'organiser et par manque de soutien, décrochent. Alors, le recours aux passions (dessin, soin des animaux, musique, musculation) sera le dernier barrage contre l'ennui et la solitude.
De manière générale, les élèves ont appris l'autonomie, par la force des événements. Je m'interroge sur notre transmission, en ce temps si étrange, cette vague silencieuse, qui nous replie sur nous même. La crise sanitaire devient elle-même notre séquence pédagogique mais il faut mettre du beau, ne pas rajouter du malheur au malheur.
La professeure de biologie ouvre les premiers horizons en proposant à ses élèves "une photo vue de ma fenêtre". Les photos rassemblées sous la forme d'un diaporama réuniront "virtuellement" des plantes de chaque jardin. La professeure de philo se concentrera sur l'homme et l'animal. Un projet de correspondance entre élèves et résidents en maison de retraite est initié par une professeure de français.
En éducation socioculturelle, le projet d'un film "Travel in Breizh" se poursuit grâce au partenariat avec l'association Clair Obscur. L'occasion est belle pour aborder en profondeur les questions de liberté d'expression afin de mieux comprendre l'enjeux des médias aujourd'hui, ces médias qui peuvent tellement envahir ce quotidien. Et le slam pourra être le support des mots enfermés. Les élèves trouvent, par ce médian un support de leurs émotions. Les textes sont mis en image, en musique, interprétés chez eux... Même confinée, l'imagination peut sortir des murs. Dans ces slams, N. Chante son impossibilité à aller au ciné, à slider, à plonger... E. a, quant à lui, transformé le coronavirus en lotus :
"J’voudrais écrire un slam pour ce coronavirus
J’voudrais écrire un slam pour cette France qui essaie de faire blocus
J’voudrais écrire un slam pour ceux qui souffrent des sinus
J’voudrais écrire un slam pour ce virus que je voudrais transformer en lotus." [3]
A travers le processus de cette création qui naîtra sur calaméo, pinterest [4], s'effacent les tables et les règles de conduite, la rigidité de nos systèmes parfois si inadaptés aux collégiens qui voudraient bouger. Dans leurs salons, leurs canapés, à leurs terrasses, ils laisseront des mots et des émotions de ce temps si particulier. J'imagine des corps reposés à l'étude, des esquisses de dessins sur des coins de tapis près du chat qui se repose.
Chez moi, le soir, je lis. La lecture en ce temps confiné a une autre saveur. Puis, je ferme mon livre et poursuis le rêve. Je rêve que les salles de cours deviennent des chalets, avec, sur le sol, des grands tapis. Des plantes ornent les petits meubles en bois dans lequel les élèves ont rangé leurs chaussures. Des fauteuils et grands coussins remplacent les tables. Je mets la musique. Les élèves se reposent. Je projette une grande peinture sur un mur et ils se laissent aller à leurs commentaires, sans s'occuper de l'avis de l'autre. Les oeuvres deviennent maîtresses.
Au fond, N, qui ne se sent pas bien aujourd'hui, est resté dehors, derrière la baie vitrée de la classe, dans le jardin. Il caresse le chat qui prend soin de lui. Il a du temps pour apprendre.
[1] Collapsologie : courant de pensée récent qui étudie les risques d'un effondrement de la civilisation industrielle et ce qui pourrait succéder à la société actuelle. Source : wikipedia
[2] Sources INSEE 2019 : 42,0 % des femmes en emploi occupent des postes d'employées contre 12,6 % des hommes.
[3] Séquence Education socioculturelle, le RAP - Etude et création autour du slam "Saint Denis", Grand corps malade, 2008
[4] Réseaux sociaux collaboratifs dédiés aux images
Roseline PONTGELARD.Enseignante Education socioculturelle
Lycée Antoine de Saint-Exupéry, Vitré (35)
Bon confinement…
A l’annonce du confinement en mars dernier, je n’avais aucun a priori sur le sujet, cela m’indifférait quelque peu, on nous obligeait, nous allions donc répondre comme d’habitude présents. Nous l’avons fait. Nous avons appris le vendredi soir que nous serions confinés dès le lundi... L’état sanitaire empirait depuis un certain temps et je m’y étais préparée psychologiquement (mon mari étant déjà en télétravail à 80 %) et scolairement en prévenant mes élèves de prendre leurs livres chez eux.
La première semaine nous a fait comprendre la panique des familles qui se retrouvaient à gérer leur enfant au quotidien…et qui le découvraient moins obéissant que prévu ! Certains parents se sont rendus compte que, contrairement à ce qu’ils pensaient, le problème n’était pas l’enseignant ! Il a fallu, avec mes moyens personnels, répondre comme je le pouvais aux questions et appréhensions des familles et des jeunes. Il a fallu 15 jours environ pour caler un quotidien individuel et collectif des classes et rassurer tout le monde.
Je suis professeur d’éducation socio culturelle et de français ; pour des raisons pratiques d’échanges de vidéo ou musiques liées aux projets des élèves, j’ai des liens de classe whatsapp pour les classes de Bac pro et j’ai ainsi pu avoir de leurs nouvelles.
Pour les classes de collège dont je suis coordinatrice et professeur principal en 3e, j’ai fonctionné différemment. Ce sont des classes moins autonomes. Elles nécessitent un suivi quotidien. J’ai appelé tous mes élèves et convenu avec leur accord de trois rendez-vous par semaine. Le lundi, mes collègues et moi déposions sur École directe (logiciel scolaire de l’établissement) le travail de la semaine puis j’avais deux rendez-vous Skype (deux heures le mardi et jeudi matin) avec eux.
Il a fallu que je change les horaires jugés trop matinaux pour prendre le créneau de 10h/12h. Le premier jour, 8 élèves sur 24 se sont connectés. J’ai passé mon après-midi à téléphoner aux familles pour préciser que le temps n’était pas aux vacances mais au travail. Donc, si le jeune ne se présentait pas à l’appel vidéo dans les 10 premières minutes du cours, je le considérais comme absent et il y aurait des répercussions. Tous les élèves étaient présents la fois d’après !
Nous avons fonctionné selon leurs demandes (et du réseau internet !) : on allumait la caméra 30 secondes puis on discutait sans visuel sauf si besoin personnel. La durée du confinement a fait évoluer les discussions des jeunes et surtout leur motivation qui n’a fait que baisser. Très vite, j’ai pu voir la gestion - ou non - du jeune par les familles et cela a été très révélateur du comportement du jeune en classe ! Si la famille du jeune ne le soutenait pas, il devenait très compliqué de garder un contact quotidien avec lui.
En conclusion, je pense que cette période n’a pas été si plaisante que ce que les élèves auraient pu imaginer au départ. Les vacances n’en étaient pas et ils ont souffert d’être déscolarisés et étaient enchantés de revenir en mai pour se revoir et nous revoir. Le confinement a donc eu cet effet positif de redonner le goût d’aller à l’école aux jeunes et de leur montrer l’importance du lien social. Par contre, les élèves qui étaient déjà fragilisés se sont complètement écroulés car seuls et isolés. Pour ma part, j’ai appris que travailler à la maison comprenait également de faire entrer les problèmes du travail à la maison et durant cette période, il n’y avait pas de filtre entre les problèmes des jeunes et mon intérieur personnel. Cela m’a plus profondément affectée que d’habitude.
Kélig BOSCHER.
Lycée Antoine de Saint-Exupéry,
La Guerche de Bretagne (35)
L’année particulière d’une professeure
Sophie Lagarde, professeure de Français au lycée Notre-Dame de Rezé (44), raconte comment elle a vécu son année 2020 entre confinements et déconfinements.
Avant l'annonce du premier confinement, Sophie Lagarde devait emmener une classe de seconde à Prague, elle regrette : « Tout notre beau projet s'est évanoui ! ». Ensuite, le confinement ne devait durer qu'un quinzaine de jours, elle a essayé d'en voir le bon côté, elle allait avoir du temps libre, passer plus de temps avec sa famille...
« En fait, ça n'a pas vraiment été ça : je me suis retrouvée enfermée dans mon bureau du matin au soir devant l'écran de mon ordinateur à réceptionner, classer corriger les travaux que les élèves m'envoyaient et à leur répondre ».
Des visioconférences
La professeure a également commencé les visios sur Teams : « Entendre et voir les élèves a redonné à mon métier une dimension un peu plus humaine ».
Avec le second confinement, elle n'a pas eu vraiment la sensation d'être reconfinée. Elle comprend les difficultés des lycéens : « Je sais que c'est difficile de rester concentré sur l'écran, d'entendre correctement le prof, de bien voir le tableau ». Pour les enseignants, faire cours devant une moitié de classe est plus confortable. Elle en plaisante : « Je rêve du jour où ce nombre d'élèves sera celui des classes entières ! ».
Selon elle, tout le corps éducatif doit veiller à ce que les jeunes puissent garder un lien avec le lycée, leurs amis et qu'ils continuent de progresser, même si on doit ralentir en cours. Mme Lagarde confie : « Il serait bon aussi que le ministère allège les programmes afin de pouvoir appréhender sereinement les nouvelles notions, quitte à en faire un peu moins ».
Optimiste
L'enseignante reste optimiste : « Pour les cours, nous allons nous organiser de plus en plus efficacement. Nous avons déjà beaucoup progressé depuis mars ! ».
Sophie Lagarde, aussi professeure de théâtre au lycée, pointe l'émergence de « nouvelles formes artistiques via Internet » : elle cite en exemple l'auteur et metteur en scène Wajdi Mouawad qui a tenu un journal du confinement sur un site Internet. Il y poste et analyse ses sentiments face à cette expérience qui était alors inédite.
« Cette distance que nous devons tenir et l'impossibilité de nous réunir devant un spectacle attisent aussi notre besoin de culture et nous font mesurer à quel point elle est essentielle à l'épanouissement de chacun ».
Recueilli par Anne LÉANDRE.
Seconde D
Le sport confiné, une pratique adaptée
M. Poirier, professeur d'EPS au lycée Notre Dame de Rezé (44), témoigne de son adaptation sportive pendant les confinements.
Pendant les deux confinements, la pratique sportive en salle a été interdite et celle en plein air fortement restreinte puisque nous n'étions autorisés qu'à courir, et dans un rayon de seulement un kilomètre autour de notre domicile. Il a donc fallu trouver des moyens pour adapter la pratique à ce mode confiné.
Bougeons !
M. Poirier, abonné à une salle de fitness, sportif confirmé confiné ne nous dira pas le contraire ! Afin de poursuivre la pratique à la maison, pendant le premier confinement, heureux ont été les sportifs déjà équipés de home-trainer (appareil permettant la pratique du cyclisme) d'élastiques, d'haltères et autre tapis de fitness. Pour ces chanceux, le sport n'était plus qu'une question d'envie. Pour les autres, moins équipés, l'achat de matériel était de mise. En effet, pendant les confinements, notamment celui de mars à mai, nous étions plus amenés à rester assis devant des écrans ou encore à table : on tombe vite dans une sorte de flemme. Ceci n'était sûrement pas le cas de M. Poirier qui ne tiendrait pas une semaine sans pratique sportive !
Tutos et autres vidéos proposés par les différentes associations sportives ont été utiles pour bon nombre d'entre nous. Certains profs dont M. Poirier ont envoyé ces vidéos aux élèves intéressés. Ces vidéos sont, pour les meilleures, très intéressantes et originales, ce dont nous étions en quête pendant cette période compliquée. Les séances que certains s'organisaient étaient certes moins intenses mais plus régulières. Elles permettaient un travail complet du corps.
Bien que la pratique en intérieur ait été prohibée, le second confinement était plus simple pour M. Poirier, des petites séances improvisées pendant les heures de cours et le tour était joué ! L'activité sportive est essentielle au bon fonctionnement du corps, étant donné que désormais nous le pouvons : Bougeons !
Recueilli par Clément DUORD.
Première C
Confinée ? Pas tant que cela !
En tant que professeure documentaliste, je ne joue pas la même partition avec mes lycéens qu’avec mes étudiants.
Il était évident, pour moi, dès notre reprise en septembre, qu’il faudrait à nouveau faire face à un confinement. La question c’était juste quand et comment. Je me disais que, ce coup-ci, les écoles et les collèges resteraient ouverts, que les lycées passeraient en mode hybride et les universités en distanciel. J’ai pas eu si faux…
Une organisation différente
Au lycée, nous alternons les classes selon les semaines, donc distanciel et présentiel se succèdent. A l’Inspe (institut national supérieur du professorat et de l’éducation) de Rennes, à part quelques TP autorisés en présentiel, les cours sont redevenus des visios, des chats, des dépôts de documents etc. C’est devenu une routine depuis mars dernier mais j’ai savouré chaque cours qui a pu se tenir en classe autour des tables en septembre et octobre !
Le plus dur est de supporter le masque durant 8 à 9 heures par jour. Maux de tête, gêne respiratoire, lunettes embuées et surtout fatigue accentuée le soir. Mais ça c’est le lot de tous ceux qui ne télétravaillent pas. Et j’ai la chance que cela se limite à deux jours par semaine.
Des changements de comportements
Ma grande surprise, c’est de voir à quel point les lycéens sont différents quand ils sont moins nombreux. Après des semaines agitées avec des comportements inadaptés face au virus, je découvre aujourd’hui avec l’alternance des classes, des élèves plus calmes, souriants (et oui ça se voit même masqués) au Centre de documentation et d’information mais aussi dans les couloirs ou dans la cour. Ils reprennent même l’habitude de dire un vrai bonjour. Ça me fait penser aux recherches sur la concentration des souris qui avaient démontré qu’au deçà d’un certain nombre dans la cage, elles sont plus apaisées ! Ici c’est 450 élèves au lieu des 800 habituels, et ça marche. Et pourtant notre lycée est déjà très favorisé car il s’étend sur plusieurs hectares de verdure.
Le CDI s’adapte
Bien sûr c’est triste de voir le CDI moins fréquenté puisqu’on a du limiter les chaises et mettre les élèves en quinconce. Et bien, voilà un mot incompris des élèves. Même en expliquant que cela veut dire en diagonale, c’est une bataille perdue. Au fil des minutes, les chaises se retrouvent face à face sans même que leurs occupants s’en rendent compte. A l’inverse, dans l’espace lecture, ils éloignent davantage les fauteuils. Je me félicite donc de les avoir gardés. Côté livres, les prêts se maintiennent. Reste à ne pas oublier de mettre les livres en « quatorzaine » réduite à trois jours.
Voilà une chose que je n’ai jamais imaginée en trente ans de carrière : mettre des livres à l’écart car ils ont été lus…
Aude PASCOËT.Professeure documentaliste
Lycée Sérusier de Carhaix (29),
et Inspe Rennes
Chronique de confinements : un prof de lycée se confie...
Professeur d'histoire-Géographie, j'enseigne depuis vingt ans dans un lycée rural du Maine-et-Loire, à La Pommeraye. La pandémie et les confinements qui l'ont accompagnée ont immanquablement modifié en profondeur la pratique de mon travail, mais aussi le rapport avec la communauté éducative dans son ensemble.
A l'annonce du premier confinement le jeudi 12 mars 2020, personne alors n'imagine clairement ce qu'il va très rapidement impliquer en terme d'aménagements et de réactions improvisées.
J'ai quitté mes élèves le vendredi 13 mars (présage ?...) sans avoir vraiment pris conscience que je ne les reverrai pas de sitôt en « présentiel », et qu'il allait falloir déployer une batterie de supports pédagogiques pour pouvoir compenser en « distanciel » les apprentissages à venir afn d'assurer la fameuse « continuité pédagogique » que notre ministre annonçait effective.
Et oui ! Il a fallu tout d'abord se familiariser avec ce nouveau langage abscons : « présentiel », « distanciel », « continuité pédagogique », « ENT »... Et aussi accélérer une formation multimédia très inégale selon les profils d'enseignants et le matériel disponible (non fourni par l'Education nationale).
Au début, le système D
Au début, c'est donc le système D qui l'emporte. Dans la crainte de perdre très vite mes élèves et face à la saturation immédiate de notre ENT institutionnel (dont le nom « e-lyco » apparaît alors plutôt cocasse), je multiplie les supports de communication numérique, du plus improvisé (recours à l'interface de joueurs en ligne « Discord » car déjà utilisée et prisée des élèves) au plus encadré (« ma classe virtuelle » du CNED).
C'est assurément l'absence de préparation collective qui a caractérisé cette première phase : les élèves se retrouvaient à gérer plusieurs plateformes et à devoir suivre un planning anarchique. Il a fallu attendre une quinzaine de jours pour que la continuité pédagogique, tant vantée par notre ministre dans les médias, devienne réellement effective et efficace.
Un effort considérable
Je dois reconnaître que j'ai été épaté par la grande majorité de mes élèves pendant cette période délicate : je n'ai pas constaté de décrochage prolongé, malgré parfois des connexions aléatoires et défectueuses ou un équipement précaire (l'ordinateur dans le salon avec l'aboiement du chien ou la télévision en bruit de fond).
On a trop vite oublié en effet que la communication numérique nécessitait de la part des familles un effort considérable : partage de l'ordinateur unique par plusieurs enfants (planning difficile à respecter), bascule sur le téléphone portable quand la connexion internet était trop faible, partage d'écrans smartphone entre élèves lors des cours virtuels. Je ne peux que souligner l'engagement et l'ingéniosité de certains de mes élèves pour pallier les faiblesses technologiques !
Il faut préciser que j'enseigne en 1ère et Terminale générales, les élèves étaient donc aussi suspendus à la décision de maintenir ou non les épreuves du baccalauréat, vecteur de stress supplémentaire pour eux, comme pour leurs enseignants.
Retour en classe
La deuxième phase a été le retour en classe. Il n'a eu lieu qu'en début juin pour les niveaux qui me concernent. Trois semaines en très petits effectifs, avec un protocole sanitaire extrêmement exigeant qui n'a pourtant pas suffi à ramener le gros des élèves en salles de classe.
Locaux réaménagés, sens de circulation à respecter, désinfections fréquentes, port du masque obligatoire... Un respect des gestes barrières qui a considérablement dénaturé la configuration de notre travail et surtout de notre rapport à l'élève en phase d'apprentissage : une participation qui disparaît sous des regards anonymes et la difficulté à lire les fragilités de chacun derrière un masque inexpressif... Une période très particulière et très insatisfaisante.
Alternance des cours
Heureusement, les examens annulés, les vacances furent l'occasion de prendre du recul avec cette expérience comme avec la pandémie, d'ailleurs... Un peu trop vite sans doute.
La rentrée fut hésitante et laissait pas mal d'enseignants dans la circonspection. Alors que les courbes repartaient à la hausse depuis la Toussaint, les mesures sanitaires n'ont aujourd'hui rien à voir avec celles mises en place en mai-juin, notamment dans la limitation des brassages, impossible à mettre en œuvre dans le cycle terminal étant donné la configuration perpétuellement changeante des groupes-élèves.
Heureusement cependant, mon établissement a pu éviter d'adopter l'alternance des cours en demi-groupes grâce à des effectifs plutôt modestes par rapport à la moyenne des lycées.
Retrouver la liberté
Depuis la rentrée, la communauté éducative s'est – bon an, mal an – habituée à un environnement contraignant sans pour autant s'en satisfaire. Mes élèves adulescents se sentent évidemment les plus frustrés par des mesures dont ils ne comprennent pas toujours les enjeux et la cohérence pour eux, qui restent la plupart du temps asymptomatiques.
Mais malgré ces brimades, je suis très fier de constater qu'ils restent collectivement respectueux des règles, alors qu'ils ne pensent légitimement qu'à retrouver une liberté bien malmenée...
Pierre MAIGNANT.
Professeur d'Histoire-Géographie
et HGGSP
Lycée St-Joseph
de La Pommeraye (49)
Au rythme du coronavirus
La vie d’un chef d’établissement et de son équipe en 2020 revisitée...
Depuis le 13 mars 2020, le rythme des établissements scolaires n’est plus le même. L’arrivée progressive d’un virus, encore inconnu il y a quelques mois, a profondément bouleversé le quotidien de toutes les communautés éducatives de France.
Passant d’un confinement soudain, total et désorganisé en mars, à un progressif et lent retour en mai et juin, puis alternant entre l’espoir d’une rentrée avec tous les élèves pour aboutir enfin à une organisation liée à la pleine responsabilité du chef d’établissement en novembre, nous ne pouvons pas dire que les responsables éducatifs locaux ont été épargnés !
« Pas au programme » !
Fondamentalement, un directeur d’école n’est pas formé pour gérer une crise de cette ampleur : ceci n’est pas au programme de l’Ecole des Cadres Missionnés (institut de formation des chefs d’établissement de l’Enseignement catholique) !
Il doit tout apprendre au fur et à mesure, sans pouvoir réellement se projeter vers un futur qui s’avère de toute façon être totalement instable.
Adaptabilité !
De ce fait, il n’a qu’un seul mot d’ordre : adaptabilité.
Ce terme est intimement lié à son devoir de mettre les élèves, les familles et les adultes qui les accompagnent, soit en présentiel soit virtuellement, dans les meilleures conditions pour travailler, communiquer, partager et évoluer dans un nouveau monde qui manque de constance et qui, chaque jour, offre un lot de décisions gouvernementales plus variées les unes que les autres.
Pas seul
Bien évidemment, un chef d’établissement n’est pas seul ! Le soutien de toutes les forces vives de l’école (que cela soit le conseil de direction, les enseignants et les personnels ogecc, voire l’association des parents d’élèves et l’organisme de gestion) lui apporte tout ce dont il a besoin pour réfléchir, partager et avancer dans sa mission.
Parce que tout (réactivité de l’Etat et des institutions) va très (trop) vite, il doit parfois décider rapidement, mais jamais sans écouter les conseils des gens qui l’entourent.
Réussir
C’est de cette façon qu’il peut exercer son métier dans la cohérence et la rigueur. En temps de crise, il faut continuer à apprendre à vivre ensemble, à communiquer différemment mais toujours de manière efficace.
Il est évident que tout cela change drastiquement nos habitudes et nos procédés, mais c’est à ce prix que l’on peut réussir à faire avancer nos établissements !
Emmanuel FERRON.
Chef d’établissement.
Lycée St-Joseph de Lamballe (22)
"N’ayez pas peur !"
Le 22 octobre 1978, le Pape Jean-Paul II a prononcé cette injonction pour inaugurer son pontificat. Il ne pouvait soupçonner que, 42 ans plus tard, elle raisonnerait encore fortement.
Nous vivons une période foncièrement atypique, extraordinaire, qui nécessite de la part de chacun des adaptations d’importance.
L’une des grandes complexités est celle de l’avenir avec ses inconnues, laissant chacun dans un doute et des interrogations sur le futur proche ou moins proche. Quoi de plus déstabilisant que de ne pas savoir, de ne pas avoir de réponse. S’ajoutent informations et contre-informations transmises voire assénées par les médias et les réseaux sociaux. Cette redondance, presque poussée à l’extrême, sorte de martellement insidieux, instille suspicion ou doute, et plus encore induit une forme d’inquiétude.
Enfin, l’automne a déroulé son tapis de feuilles mordorées apportant une touche mélancolique, presqu’atrabilaire*, avec parfois ses variations de pressions atmosphériques influant sur notre forme physique et moral.
Toute cette convergence de faits est déstabilisante, mais nous devons faire front et garder espoir. Il convient, autant que faire se peut, de ne pas tomber dans le défaitisme, la morosité ou encore le pessimisme. Restons plein d’espoir et d’Espérance tant les capacités de l’homme pour trouver des solutions, et donc s’adapter, sont grandes. Sans pour autant tomber dans la méthode Coué, la maîtrise de soi-même par l’autosuggestion consciente, il faut prendre le temps de mesurer les éléments positifs qui nous entourent. J’en retiendrais un, celui de la solidarité. Nombre d’initiatives ont été prises pour s’entraider et ce, sous de nombreuses formes. C’est une force dans une société, une richesse. Ainsi, pour faire écho à la devise de notre établissement partenaire de Nouvelle Zélande, Mount Roskill Grammar School*, je reprendrais cette interjection liturgique « Sursum corda », « Hauts les cœurs, élevez votre cœur » en souhaitant que chacun la fasse sienne.
Je terminerais en citant le rédacteur en chef de Ouest-France, François-Xavier Lefranc, « Finalement cette crise nous met au défi de l’engagement citoyen, de la mise en conformité de nos actes avec nos paroles. Ne soyons pas spectateurs d’un monde qui s’écroule, mais acteurs d’une société qui se renforce en affrontant le gros temps » (Édito du 14 novembre 2020).
*Atrabilaire : Au fig. Qui exprime ou marque la mauvaise humeur (source www.cnrtl.fr)
* La devise de Mount Roskill Grammar School est « Sursum » qui signifie « vers le haut »
Bruno SOURICE.Chef d'établissement
Lycée Jean XXIII d'Yvetôt (76)
Souvenirs, souvenirs, j’espère !
Spatiale d’abord. La première étape a été de territorialiser vie familiale et vie professionnelle, pour limiter les interférences. Avec deux enfants à la maison, la porte du bureau est bien mince et la frontière facilement franchissable !
Temporelle ensuite. Je dors peu, l’organisation s’est faite naturellement sous la forme d’un travail en 2 x … h : l’après-midi et la nuit pour les élèves, la matinée pour mes enfants.
Avec une organisation au sein de l’équipe pédagogique, pour des collègues qui ne fonctionnent pas sur les mêmes rythmes…
De la frustration
Mon métier de moniteur s’appuie majoritairement sur la relation et l’échange. Que dire, que faire quand ces interactions n’existent plus, qu’un media austère freine la spontanéité et l’empathie ?
Responsable des modules professionnels, comment travailler avec les élèves sur des activités pratiques ? La relation au cheval pour les jeunes n’est pas qu’un métier, c’est aussi une thérapie. Quelle motivation quand l’objet de cette passion est absent ?
Des nouveaux apprentissages
J’étais réfractaire au numérique, symbole de complexité et de perte de temps. J’ai testé la classe virtuelle ! quel plaisir ! pour les élèves de se revoir « physiquement », de se rassurer en se (re)voyant, de se savoir encore appartenant à un groupe.
Pour moi, de dépasser ma crainte de cet outil, d’y trouver du sens et de la motivation !
Ma bouffée d’oxygène
Vous avez sans doute vécu ces difficultés de connexion à distance ! pour les pallier, j’allais régulièrement à la MFR. Nous nous y retrouvions à trois. Moment de plaisir partagé, lors duquel le déjeuner était préparé à tour de rôle par l’un d’entre nous. Egalement temps d’oxygénation, hors du foyer familial, essentiel à la vie en vase clos !
Contrats : vigilance !
J’ai acheté un téléphone fixe pour m’entretenir régulièrement avec les élèves. Mon téléphone portable rencontrait des difficultés de réseau. La joie d’habiter en campagne. La facture téléphonique du 1er mois de confinement fut un choc.
Mon contrat ne prévoyait pas l’utilisation du fixe pour les appels sur les mobiles ! Lisez bien votre contrat pour éviter les surprises !
Coralie LELOUP.
Monitrice à la MFR
de Saint Symphorien (35)
Ici Nathalie, je vous écris du CDI
Je vous écris du Centre de Documentation et d’Information du CFTA « L’Abbaye », Montfort-sur-Meu, aux Portes de Brocéliande. Je me souviens de la sortie du premier confinement.
Le C...
On ignorait qu’il ne serait pas le seul - on disait « Le Confinement ». Apprenants et enseignants étaient revenus à l’établissement avec des expériences diverses et des avis mitigés.
Espoirs
Il y avait ceux qui étaient ravis de respirer à nouveau l’air des salles de classe (les masques n’étaient pas encore à l’ordre du jour). Ils avaient souffert d’être confinés avec leurs parents (habituellement évités) ou leurs enfants (dont nous avions fait la connaissance active lors des visio-conférences). Ils rêvaient de cette parenthèse enchantée que représente l’école.
Regrets
Ceux qui au contraire revenaient à contre-cœur, en trainant des pieds et du stylo. Ils se languissaient déjà des stabulations, des champs et des prés dont ils n’avaient pas été privés. Ils appréhendaient de s’enfermer en classe.
Angoisses
Ceux qui tremblaient à la seule énonciation du mot coronavirus, ou balançaient sérieusement pour son appartenance grammaticale au genre féminin. Ceux qui rêvaient d’un grand enfermement et d’un no contact protecteur. Ceux qui savaient tout. Ceux qui n’avaient aucune idée... Bref, toute la petite communauté éducative et apprenante dans sa diversité.
Précautions
Je vous écris du CDI qui reste ouvert lors de ce deuxième confinement, tout comme les classes, la cantine, l’amphithéâtre, l’internat. Un protocole est appliqué, propre à chaque espace. Le Centre de Documentation est depuis toujours accessible à tous, en permanence - que la documentaliste soit présente ou non -. Mais il a dû s’adapter aux impératifs d’un moment… qui va durer : horaires fixes, fenêtres grandes ouvertes, mains, crayons et claviers hydroalcoolisés, sens de circulation et distanciation imposés, caisses de « décontamination » pour permettre les emprunts, numérisation pour compenser les difficultés d’accès aux rayonnages rubalisés entre lesquels nous avançons masqués.
Innovations
Je vous écris du CDI qui a changé. Comme ailleurs, la vie continue, les nouvelles habitudes se prennent. Conçu comme étant le cœur de l’établissement, l’espace et les pratiques s’y réinventent : petits groupes, échanges et accès plus individualisés, création d’un portail documentaire accessible depuis partout, utilisation de ressources numérisées.
Nouveau défi
Faire autrement, toujours un défi. Susciter l’envie plus que la crainte d’y venir ou le désintérêt, raviver le désir de lire, de s’informer à partir de ressources fiables et adaptées alors que la surinformation expose toujours davantage aux fausses informations, de s’ouvrir aux autres dont on ne cesse de s’éloigner, au monde même s’il parait se refermer, se préparer aux changements qui viennent et que l’école, forcément, doit accompagner avec intelligence et humanité.Nathalie MOUNIER.
CFTA « L’Abbaye »
Montfort-sur-Meu (35)
Re-confinement à Saint-Père : anticiper pour mieux gérer
À la MFR de Saint-Père-en-Retz, la première vague de confinement a eu quelques impacts très positifs. L’équipe s’est adaptée pour maintenir la continuité et le suivi pédagogique des jeunes pendant le confinement.
Frédéric BONNEAU, le Directeur de la MFR, a décidé d’utiliser une plateforme collaborative, Microsoft Teams, pour que l’équipe et les jeunes restent en contact pendant le confinement.
Ce fut un réel succès, malgré les appréhensions de certains au départ. En effet, quelques formateurs n’étaient pas particulièrement à l’aise avec l’outil informatique. Le Directeur a formé son équipe sur le sujet, en amont, pour atténuer les angoisses de certains.
Cette plateforme est plus qu’un outil du confinement puisqu’elle est devenu un outil du quotidien pour l’équipe. Au retour du confinement, l’équipe a continué de se former sur Teams. La MFR a aussi investi dans du nouveau matériel afin de garantir la qualité des échanges entre les formateurs et les jeunes, en cas de re-confinement.
Et puis la seconde vague est arrivée… La MFR a décidé de proposer des cours à distance pour les classes de première et terminale BAC PRO SAPAT. Pour éviter le brassage des classes et garantir une sécurité maximale au sein de l’établissement et dans l’internat, les deux classes alternaient entre cours en présentiel et cours en distanciel, sur la moitié de la semaine. L’anticipation de cette formule a permis à l’équipe de s’adapter rapidement, à compter du 2 novembre.
Outre le côté pratique de l’application Teams, l’équipe, mais aussi les jeunes, ont très largement développé leurs compétences numériques : création de contenu, transmettre des pièces jointes, organiser des réunions en visio-conférence, partager son écran à toute la classe, régler sa caméra, son micro... Chacun a fait un véritable travail d’autonomie et de patience pour manier l’application de manière fructueuse.
Aujourd’hui les cours à distance se déroulent parfaitement et assidument. Quoi qu’il en soit, chacun ici a hâte de se retrouver à nouveau comme avant, sans masque et dans la convivialité.
MFR de Saint-Père-en-Retz
Un accueil sous les masques
Depuis le mois de septembre, la MFR a accueilli une nouvelle assistante d’éducation et d’animation. Sophie a rejoint l’équipe en pleine crise sanitaire. Elle témoigne sur cette période particulière.
« L’intégration dans une équipe soudée et installée comme celle de la MFR de Carquefou me faisait un peu peur de prime abord, surtout avec la covid-19, confesse Sophie. J’ai déjà eu de l’expérience en établissement scolaire, mais c’est la première fois que je m’occupe de la partie « internat ». Pourtant, mes peurs se sont vite étoffées car j’ai été très bien accueillie. Il est vrai, c’était un peu compliqué au départ de reconnaître mes nouveaux collègues et de retenir tous les prénoms avec ces masques, moi qui suis pourtant physionomiste. Mais aujourd’hui j’ai réussi à prendre mes marques et je suis véritablement soutenue par toute l’équipe ».
Sophie poursuit :« J’ai aussi été accueillie à bras ouverts par tous les jeunes. Je suis quelqu’un plein d’envie, à l’écoute et créative, j’avais mis en place de très nombreuses activités pour les veillées des jeunes. Malheureusement, avec ce re-confinement j’ai été contrainte d’annuler toutes mes activités et trouver dans l’urgence de quoi rendre le quotidien des jeunes à la MFR meilleur (d’autant plus à cette période…). Création de décoration de Noël et activités manuelles ont été mes meilleurs alliés : pas de brassage, chacun son matériel, mais fous rires garantis ! Eh oui ! Cette crise sanitaire nous permet de mieux nous écouter. Malgré tout, j’espère un retour rapide à la normale. »
Pendant ce re-confinement, pour la MFR de Carquefou, les priorités étaient la sécurité (distanciation, port du masque, désinfection des locaux…) et la formation. Il était important que la continuité pédagogique puisse être maintenue pour chacun des jeunes. Pour cela, il a fallu éviter au maximum les brassages entre les classes. Ils avaient besoin d’être rassurés, ne serait-ce que par rapport à la covid. Par exemple, toutes les classes avaient leurs coins respectifs pour les pauses récréations, et pas question de se mélanger !
Monsieur Aubry, le directeur de l’établissement, a insisté sur le port du masque et sur la désinfection des locaux très fréquemment. « Nous avons engagé du personnel pour nettoyer les locaux régulièrement dans la journée et ainsi, proposer un établissement propre et en phase avec les normes sanitaires de cette crise mondiale. » a-t-il indiqué.
Il n’y a pas eu de débordement ou de cluster dans l’établissement. Preuve que chacun, jeunes comme l’équipe, a su se rendre responsable, a su prendre soin de lui et des autres. Pour autant, vivement la fin de cette épidémie !
Chloé LIGNEY.
Chargée de communication,
MFR de Carquefou
Noël 2020
Muriel Jouet est formatrice à la maison familiale rurale de Cholet. Elle a choisi de nous faire part de son vécu sous la forme de slams.
Je m'étire, je soupire, je transpire,
Je me crispe, je crains le pire,
Je pense à cette fête de fin d'année,
En ces temps tracassiers et particuliers.
Annonçant vertement et vivement,
A Covid 19 de se casser prestement,
Car décourager et rebuter le père Noël,
Serait plus fatal que d'attraper la salmonelle,
Le clouer au tapis,
Serait de la psychopathie.
Les enfants sages existent,
Même si de maigres bêtises persistent,
Avouées à demi-mots,
Les marmots doivent recevoir leurs cadeaux,
Je m'étire, je soupire, je transpire,
Je m'inquiète, je crains le pire,
Je pense à cette fête de fin d'année,
Elle ne doit pas être surannée.
La famille, cette entité universelle,
S'interroge, l'esprit rebelle,
Va-t-on pouvoir sauver Noël 2020 ?
Se réunir tous ensemble autour du sapin ?
Qu'en sera-t-il des repas sous cloches,
Partagés avec nos proches ?
La dinde aux marrons sans farce,
La bûche au beurre fait la grimace,
Les vrais bisous tendres et tout doux,
Sous les masques font la moue.
Je m'étire, je soupire, je transpire,
Je m'affole, je crains le pire,
Je pense à cette fête de fin d'année,
Je suis atteinte de fébrilité.
Oyez braves gens,
Attendu expressément,
Par des millions de bons français,
Confinés et plus très frais,
Le président de la République,
Evitant son arrogance emblématique,
Bien au chaud au palais de l'Elysée,
Pointant son nez à la télé,
Devrait être dans tous ses états,
Pour nous annoncer la cata.
Je m'étire, je soupire, je transpire,
On vient d'échapper au pire,
Pour cette fête de fin d'année,
Mon présent sera enrubanné.
Tout en restant prudents,
Pas question en janvier de grincer des dents,
L'ombre sournoise d'une troisième vague,
Et je divague,
L'allégresse remplissant mon cœur,
Mes yeux pétillent à l'idée de partager mon bonheur,
Les guirlandes pendouillantes,
Les bulles effervescentes,
Ma maisonnée, au coin de la cheminée,
La trêve annoncée, Noël sera bel et bien fêté.
Muriel JOUET. Formatrice MFR-CFA de Cholet (49).
Covid 19
Muriel nous écrit ce que lui inspire la présence menaçante de ce virus, hélas, toujours présent en 2021.
Covid 19
Est un virus ultra rapide,
Tel un ballonnement,
Pas du tout hilarant,
Il roule sa bosse,
Dans son carrosse,
Jusqu'au bout du monde,
Il est immonde.
Covid 19,
Est un virus torride,
Soudainement apparu,
Ambitionnant d'être reconnu,
Tel le héros de notre époque,
Il nous interloque,
Fait la Une des journaux,
Il réussit à mettre le chaos.
Covid 19,
Est un virus cupide,
Des journaleux un peu gueux,
Répandent des propos fumeux,
La nécessité grandissante d'un vaccin,
Et les labos se frottent les mains,
Masques et gel deviennent de l'or,
Des alligators agrippent ce trésor.
Covid 19,
Est un virus putride,
Nos chers politicos avilis,
Ont un magnifique alibi,
Pour justifier la dette publique,
Ils font fermer toutes les boutiques,
Le plan de relance coûte cher,
La solidarité est nécessaire.
Covid 19,
Est un virus loin d'être stupide,
Symptomatique, asymptomatique,
Tout cela est traumatique,
Démoniaque et malfaisant,
Il terrorise les gens,
Porter son masque,
Devient automatique.
Covid 19,
Est un virus perfide,
Liya, Rachid, Mamadou ou Anique,
Il frappe partout et quiconque.
C'est un dépravé,
Il veut nous priver de liberté,
Il est bien content,
Qu'on soit en confinement.
Covid 19,
Est un virus désirant faire le vide,
Plus d'enfants en classe,
Quelle angoisse !
Les étudiants restent chez leurs parents,
Place à la Visio conférence, c'est délirant.
Les usines et les bureaux désertés,
Télétravail ou chômage partiel, c'est obligé.
Covid 19,
C'est un virus avide,
Les soignants l'ont bien compris,
Merci à eux du devoir accompli,
Malgré l'épuisement accumulé,
Ils ont continué à soigner, à avancer,
Alerter les pouvoirs publics,
Mais c'est une certitude, il est loin d'être unique.
Covid 19
Est un virus livide,
Il n'est pas toujours le roi,
Il s'est fait détrôné pour une fois,
Par d'autres concurrents,
Eux aussi sournois et bien méchants,
Attaquée par le pseudomonas aeruginosa,
Je n'en reviens toujours pas !
Mon journal de confinement
Laurent Bouju, formateur à la maison familiale rurale de Fyé, dans la Sarthe, revient sur cette vie confinée, perturbée en 2020.
"Ce n'est pas le doute,
c'est la certitude
qui rend fou"
(Nietzsche, Ecce Homo)
La décision soudaine de fermer les établissements scolaires puis d'un confinement général, nous a privés d'un travail préparatoire nécessaire à l'accompagnement des élèves et, au sens plus large, à notre organisation d'équipe. Comme tous les citoyens, nous avons pris connaissance de cette mesure à la télévision, nous laissant quelques heures pour préparer nos élèves et leurs familles à une situation inconnue.
Immédiatement, j'ai apprécié le rapprochement des familles avec l'équipe de la MFR, à Fyé, afin d'envisager, ensemble, la période à venir. Il ne s'agissait pas de présenter une méthode à appliquer : il n'y en avait pas. J'ai observé l'amorce d'une collaboration que je n'avais, jusqu'à présent, jamais perçue. En effet, nous avons élaboré, ensemble, l'ébauche d'un fonctionnement pédagogique. Nous avons échangé sur les supports les plus pertinents à utiliser pour les élèves, sur leurs rôles à venir, sur notre disponibilité mais aussi sur l'avenir. Ne pas avoir de réponses, c'est se poser des questions ensemble. Il semble difficile d'intégrer les parents dans la réalisation de nos plans de formation ou même dans nos processus pédagogiques, mais à une certaine échelle, n'ont-ils pas la place de participer, avec nous, à l'organisation d'une pédagogie adaptée au mieux, pour leur enfant ?
Je trouve cela très intéressant car cela me questionne sur nos pratiques, et la garantie d'une pédagogie "clef en main" que nous pouvons proposer. Qu'en est-il de la place des parents dans la pédagogie ? Partenaires sans doute, mais acteurs ?
Dans un second temps, je me suis interrogé sur le bien-être de nos élèves, au-delà de l'acquisition des compétences liées à la formation : sur la capacité à mener une formation à distance. On se préoccupe souvent de notre pratique, nos capacités : mais qu'en est-il pour nos élèves ?
J'ai, auparavant, suivi des formations à distance dans lesquelles j'ai pu percevoir les difficultés inhérentes à cette pratique. Nos élèves sont-ils prêts pour être autonomes avec les outils numériques ? Est-il possible pour eux de travailler dans un environnement aidant ? Quelle vision de notre accompagnement vont-ils avoir ? Et, que se passe-t-il pour ceux qui n'auront pas les qualités pour vivre cette période à distance ? J'y vois également, dans ce questionnement, de belles perspectives d'apprentissages, éducatives, mais aussi sociales.
"L'homme est né
pour la société (...)"
(Diderot, La Religieuse)
Avec mon aisance pour les outils numériques et particulièrement les technologies de l'information et de la communication, je pensais profiter de cette période pour m'épanouir dans la mise en œuvre de processus d'apprentissages à distance. Très vite, je me suis aperçu que cette période ne serait pas une simple parenthèse dans mes pratiques, mais le changement d'un paradigme.
Aussitôt, nous avons dû adapter nos méthodes et notre fonctionnement. L'espace commun d'une classe se transforme alors en salon froid d'une visio-conférence, réduisant bien souvent les échanges aux règlements de problèmes techniques, les entretiens individuels réguliers mutent en longues conversations téléphoniques, et notre bureau se métamorphose en placard aménagé pour l'occasion. La bonne humeur est éclipsée par les questionnements inquiets des élèves sur la situation sanitaire, la réussite de leur année de formation ou leurs problématiques techniques et familiales. J'observe durant le confinement l'érosion progressive des jeunes mais aussi des collègues de ma MFR. Nous travaillons "pour" mais surtout "avec" les jeunes. Malgré nos efforts, nos idées, nos tentatives, il faut se résoudre à affirmer que notre métier de moniteur est humain et ne peut se limiter à un écran d'ordinateur.
J'ai toujours apprécié le contact humain avec les jeunes, toujours présent pour échanger, jouer, rire avec eux mais je n'avais pas pris la mesure de cette envie, qui figure désormais comme un besoin. Tout au long de cette période, je me suis interrogé sur "l'après", l'expérience vécue viendra-t-elle bouleverser notre quotidien à venir ?
Laurent BOUJU.
Moniteur MFR de Fyé (72)

Comme un château de cartes
L'avez-vous ressenti, comme moi, pareillement ? il n'est pas simple, ces temps-ci, de lancer à nos amis et relations professionnelles ces formules que sont « Bonne année » ou encore « Meilleurs vœux ».
Alors que s'égrennent les premiers jours de janvier, que je choisis mes cartes de vœux, je peine à reprendre ces formules pourtant tellement porteuses de sentiments généreux. Alors, un peu embarrassé, je laisse le soin au recto d'adresser l'un ou l'autre de ces slogans à mes interlocteurs que je gratifie de propos prudents, au verso. Au moins, on ne me fera pas grief de donner dans l'ironie.
Et pourtant, cette année 2021, comment pourrais-je ne pas la vouloir meilleure pour nous tous ? tant j'attendais de la précédente. Ne m'avait-on pas prédit une année de construction ? Les cartes de vœux me portaient à le croire. Je n'avais pas imaginé que les fondations de 2020 étaient celles d'un... château de cartes ! E. M.
♫Confidences pour confinement♫
Presqu’un an que je te connais et pourtant qu’il est difficile de s’habituer à toi !
Tu t’es imposé dans nos vies de tous les jours, sous nos toits,
avec les gestes barrières, le masque, cette nouvelle attitude
et surtout cette obligation de changer nos habitudes.
Dans notre métier, cela a été assez compliqué,
surtout au mois de mars dernier,
quand il a fallu motiver tous nos élèves,
mettre en place de nouvelles techniques avant la trêve.
Mais tout n’a pas été négatif, loin de là :
la plupart des jeunes ont été extras
que ce soit lors des travaux à réaliser
ou bien des visio-conférences proposées.
Formateurs comme élèves se sont aperçus
qu’il fallait être toujours assidus !
De cette crise, nous devons tous en sortir grandis,
être plus responsables, penser aux autres, aussi !
Valérie POUPON.
Formatrice
MFR de Verneil le Chétif (72)
Des premiers pas particuliers
« De toute façon le covid, ça ne fait rien, et puis à la campagne on est tranquille ! ». C’est ainsi que s’expriment souvent les élèves de mon établissement sur la situation sanitaire actuelle. Ce virus leur semble abstrait, si bien que, pour beaucoup, la rigueur des protocoles mis en place, et notamment l’importance du port du masque, est complexe à comprendre et donc à faire appliquer. Pour autant, étrangement, l’application des règles imposées se fait sans trop de heurts, du moins en cours, même si de réguliers rappels, notamment sur les mauvais usages du masque, doivent être faits. J’ai tendance à penser que les jeunes se plient aux règles devant les adultes parce qu’elles sont imposées et non par conviction ou prise de conscience. L’absence d’encadrant aux alentours entraîne, hélas, souvent la tombée du masque !
Un premier confinement
mal vécu
Je m’appelle David et je suis nouveau à mon poste de moniteur, depuis la rentrée de septembre 2020. Mes premiers pas dans l’enseignement se sont donc faits en pleine crise sanitaire, et j’ai pu constater les difficultés et les craintes de mes collègues, qu’elle générait. La complexité des protocoles de cette rentrée n’a pas aidé le bon déroulement de celle-ci. Une implication de tous les corps de métiers de l’établissement a été demandée et tous ont répondu présent. Elle était indispensable pour pouvoir s’approcher au mieux des protocoles demandés, non sans mal du fait de l’absence de clarté de certaines consignes. Au printemps, ma situation était différente car j’étais en chômage partiel. Je n’avais donc pas à m’impliquer dans le suivi scolaire des jeunes. En échangeant avec mes collègues, il en est ressorti que, pour beaucoup, la situation de confinement total du printemps a été éprouvante. La surcharge de travail, pour faire au final un travail moins qualitatif que celui effectué en salle de classe, associée au sentiment d’impuissance par rapport aux jeunes décrocheurs, ont été mal vécus par beaucoup. La multiplication des efforts pour parvenir à pallier les contraintes et le décrochage scolaire a conduit à une fatigue certaine et un découragement, liés aux résultats obtenus par rapport à l’énergie engagée.
L’anticipation
d’un nouveau confinement
Selon moi, un cours peut être attrayant principalement lorsque que l’enseignant le fait vivre, quels que soient les supports utilisés. Il est difficile d’offrir aux jeunes les mêmes chances de réussite, de comprendre leurs difficultés, sans être présent physiquement à leurs côtés. Il est complexe pour les élèves de s’impliquer de manière autonome. La crainte de revivre la situation du printemps était donc grande. Cependant, si celle-ci a eu lieu de nouveau cet automne 2020, la gestion éventuelle a pu être préparée et anticipée. Des réunions de préparation pour mettre des dispositifs en place en cas d’un nouveau confinement ont été réalisées. Elles ont permis de mutualiser des pratiques et de partager des outils pour mieux appréhender cette deuxième vague à l’école, en cas de nouvelle fermeture des établissements.David GOUFFIER. Moniteur MFR de
Bernay en Champagne
