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Eliott Brachet, la passion dangereuse de journaliste de guerre

Il a couvert les zones de conflit comme le Darfour ou la bande de Gaza, Eliott Brachet est reporter de guerre.
Jour­na­liste indé­pen­dant pour Le Monde, il est venu à la ren­contre des élèves de 2nde du lycée Alain Char­tier dans le cadre du Prix Bayeux des cor­res­pon­dants de guerre. Il est venu présenter sa pro­fes­sion aux élèves de 2nde. Ils ont posé un grand nombre de ques­tions, et ont appris beau­coup de choses sur cette pro­fes­sion et sur ses risques "Nous avons par­ti­cu­liè­re­ment appré­cié sa sincérité et d’avoir pu décou­vrir la vie d'un jour­na­liste de guerre" ont remercié les élèves impressionnés par l'échange. A l'issue de la rencontre, Eliott Bra­chet a lui aussi posé une question : « J’ai­me­rais savoir com­ment vous faites pour vous tenir informés ? » Sans surprise, les lycéens ont répondu dans leur grande majorité : les réseaux sociaux, et, bien sûr, Tik Tok. Réponse qui in­ter­roge sa pra­tique actuelle de jour­na­liste de presse écrite. Il se sait éloigné des plus jeunes lecteurs. Or il refuse de com­mu­ni­quer via Tik­Tok, car pour lui la pla­te­forme véhicule trop de fausses nouvelles, elle n’est pas digne de ses infor­ma­tions.
Une passion née au collège Eliott Bra­chet, né lors de l’an­née de la créa­tion du pre­mier Prix Bayeux des repor­ters de guerre (en 1994), a dès le col­lège, décou­vert une pas­sion pour le jour­na­lisme.
Il a com­mencé très jeune à se sou­cier du monde qui l'en­tou­rait en se docu­men­tant par exemple sur le Prin­temps arabe. Ce sujet inconnu pour lui a engen­dré une curio­sité inar­rê­table qui l'a poussé à se ren­sei­gner davan­tage. Au fur et à mesure, Eliott Bra­chet a tracé sa voie dans le jour­na­lisme jus­qu'à l'ob­ten­tion d'un mas­ter.
Aujourd’hui, journaliste indépendant, il travaille pour différents médias, et notamment Le Monde. Comme journaliste indépendant et reporter de guerre, il a choisi d’exercer son métier dans la capi­tale du Sou­dan, Khar­toum.
Sa volonté : in­for­mer sur les atro­ci­tés de la guerre tout en restant, dans la mesure du possible, hors des zones de conflit direct. Quand la guerre civile éclate en 2023, après trois années passées dans le pays, il est évacué en France. Son désir d’informer reste intact, il choisit l’Egypte pays voisin du Soudan, pour continuer d’écrire sur les atrocités de la guerre au Darfour. La situation géographique de l'Egypte lui permet également de couvrir le conflit actuel israélo-palestinien.
Un danger permanent Journaliste indépendant, Eliott Brachet a la volonté de prendre connais­sance par lui-même de cer­tains évé­ne­ments. Montrer, dire ce qu’il voit au plus près de la réalité, celle du Dafour. Une fois sa mis­sion ter­mi­née, et parce qu’il n'a pas eu le temps d’anti­ciper son retour, les évé­ne­ments étant très imprévisibles en temps de guerre, quitter le pays s’avère compliqué. Pris de court, il peut alors faire appel à des passeurs pour son exfiltration. Mais les pas­seurs peuvent deman­der des sommes exor­bi­tantes, "2000 à 5000 euros" comme cela a pu être le cas à Gaza. Il ne peut conce­voir de res­ter là à attendre un ren­fort dure­ment négo­cié, au risque de sa vie. Il lui faut sor­tir au plus vite de cette impasse. Livré à lui-même, il prend une option encore plus ris­quée : tra­ver­ser les lignes de tirs pour se réfu­gier dans une zone sans dan­ger. Elliot Bra­chet est sain et sauf. Trois jours plus tard, “d’autres se sont faits cri­bler de balles”, se remémore t-il, la voix encore empreinte d’émotion. Il a bien conscience d’avoir échappé de peu à la mort.
Prendre des risques avec raison En repre­nant ses termes, le "risque zéro" n’existe pas, mais il faut savoir évaluer le risque et la qualité de l’information recueillie. Il ne s’agit pas pour Eliott Brachet de prendre des risques inconsidérés. Le travail sur le ter­rain est préparé à l’avance avec des fixeurs. Un fixeur est une per­sonne locale qui ren­seigne le pigiste sur les évé­ne­ments et sur l’en­vi­ron­ne­ment. Il sécurise dans la mesure du possible, les zones où le journaliste va intervenir. Le contact avec les populations locales est indispensable pour faire le métier correctement. C’est d’ailleurs une des choses qui le pousse à conti­nuer dans ce métier, il aime le contact humain. Des hommes et des femmes qui vont lui raconter “leur” histoire, “leur” vérité qu’elles soient justes ou pas. Le journaliste à force d’écoute, et d’expériences, sera plus à même de comprendre les caractères humains, et déceler la réalité des faits.
Un métier difficile financièrement "C’est un beau métier ; on voyage dans beau­coup de pays, on se fait des amis aux quatre coins du monde", s’enthousiasme Eliott Brachet qui reconnaît que "l’adré­na­line du risque” (avec modération) est aussi une des facettes du métier qu’il apprécie.
Journaliste indépendant comme son nom l’indique, n’est pas salarié mensuel d’un journal, il est payé à l’article parfois commandé, parfois proposé sans être commandé.
Cela signifie des revenus qui fluctuent et des dépenses sur le terrain, souvent assumées par le journaliste lui-même. Frais d’hébergement, voyage, mais aussi frais hospitaliers ou de soins (la sécurité sociale n’existe pas dans tous les pays) sont souvent à la charge du journaliste indépendant. Une précarité synonyme également de salaire peu élevé en comparaison des risques encourus. “Entre 2 000 et 3 000 euros pour aller ris­quer sa vie”, explique Eliott Brachet. Outre le salaire, c’est le rythme de travail qui lui aussi laisse peu de place à la vie personnelle "Les périodes de tra­vail suivent natu­rel­le­ment l'im­por­tance des évène­ments. On peut être amené à ne rien faire un jour ou deux, puis faire une nuit blanche pour 3 jours de tra­vail ou plus, presque non-stop".
Sur place, là encore, souvent isolé, le journaliste indépendant, n’a pas de contacts préalablement établis par la direction d'un journal.
Il doit faire face, seul, aux différents évènements. Quand le journaliste est envoyé par un journal, celui-ci prendra en charge son rapatriement si nécessaire, mettra tout en œuvre dans la mesure de ses possibilités, pour l’aider à se sortir d’un mauvais pas.
Ce n'est pas le cas du journaliste indépendant. Au mieux, ce dernier a un contact téléphonique au quotidien pour faire le point sur l’avancée de son travail et quand il lui sera possible de livrer l’article.
Au plus près de la vérité Mais alors, pour­quoi deve­nir jour­na­liste de guerre ?

Eliott Bra­chet jus­ti­fie son choix par le devoir de vérité sur les évé­ne­ments et la vie des habitants. « Même à tra­vers la guerre, le quo­ti­dien des gens doit être connu  ».
Témoigner le plus honnêtement possible de ce que vivent les gens pour alerter l’opinion publique sur la réalité de la guerre, de la misère. Informer sur : com­ment l’homme vit dans ce monde pour aider à la prise de conscience de chacun de nous ? Pour un monde qui puisse réagir, pour un monde qui puisse se par­faire et même si cela peut souvent paraître utopique et toujours frustrant comme le dit parfaitement Eliott Brachet.
« Je par­tage les infor­ma­tions aussi bien que je le peux, pour­tant rien ne change, c’est comme si je ser­vais à rien. Mais en même temps, si je ne le fais pas, qui le fera ? […] C’est cela qui me motive, per­mettre aux gens de savoir ce qui se passe et de réagir […] Toutes ces guerres qui se passent en Ukraine, à Gaza, et au Sou­dan sont absurdes […] Tout cela est dépri­mant, on est tous dans le même camp […] Les qua­li­tés humaines sont par­tout ».
Edouard CRETU
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