Journal des Lycées > L'actualité des lycées
> Calvados > Lycée Sainte-Marie > Les articles > Troubles des comportements alimentaires : une autrice à succès témoigne.
Troubles des comportements alimentaires : une autrice à succès témoigne.
« Au début, elle voulait seulement rétrécir un peu, pour se soustraire à cette emprise, et puis un jour elle avait voulu disparaître. » cette citation extraite du roman Jour sans faim, illustre parfaitement le mal-être ressenti par les jeunes filles atteinte de TCA.
C'est un trouble omniprésent et connu depuis longtemps, mais il n'est représenté que depuis peu. En effet, des artistes, des auteurs partagent leur vécu. C'est notamment le cas de l'auteure Delphine De Vigan qui a souffert d'anorexie et qui relate de l'histoire d'une jeune fille dans son livre Jours sans faim.
Jours sans faim est le premier roman de Delphine De Vigan paru en 2001 sous le pseudonyme Lou Delvig, pour ne pas heurter sa famille. il nous livre d'une jeune fille anorexique. On suit les premiers mois de son processus de guérison et l'évolution de sa relation avec son médecin mais aussi avec les autres patients qui peu à peu lui fontreprendre goût à la vie.
Nous avons eu le privilège de pouvoir interviewer l'autrice sur son roman Jour sans faim.
Comment vous est venue l'idée d'écrire votre histoire ? J'ai moi-même vécu la même chose lorsque j'étais jeune et je me suis souvenue que durant mon hospitalisation, j'ai voulu témoigner de l'expérience du corps face à l'anorexie. On parle de maladie mentale mais il me semblait important de raconter ce qui pouvait se produire quand on est dans un état de dénutrition et l'impact que ça a dans la guérison. C'est seulement une quinzaine d'années plus tard que j'ai voulu raconter cela, mais en faire aussi un matériel littéraire. C'est-à-dire qu'on pouvait parler d'anorexie comme on pourrait d'une histoire d'amour.
L'envie de partager votre récit a-t-elle toujours été un projet ? Pendant mon hospitalisation, j'écrivais souvent des lettres à mon médecin et il m'avait demandé si il pouvait les montrer à ses élèves à la fac de médecine. Et c'est un jour, sous la forme d'une blague, qu'il me dit : "« A quand le roman ? ». Mais c'est seulement des années plus tard que mon envie d'écrire m'a poussée à publier ce premier écrit.
Votre médecin a-t-il lu votre roman ? Oui, je lui ai envoyé lorsqu'il a été publié. C'était pour moi une façon de lui rendre hommage et de le remercier de m'avoir sauvé la vie.
Votre expérience sur les TCA vous aide-t-elle dans votre quotidien ? Les TCA sont une expérience très douloureuse et avant tout faite de souffrance. Ainsi après coup, cela m'a permis de me construire et je n'ai pas honte d'en parler. J'ai appris mieux me protéger de la vie et de moi-même. Et comme beaucoup d'expériences douloureuses, elles peuvent contenir une part d'enseignement.
Quel ressenti avez-vous quand vous voyez l'impact que les TCA ont sur les jeunes d'aujourd'hui ? « Cela me rend triste parce que je sais que l'anorexie et les TCA sont une prison : c'est une privation de liberté. Pour l'avoir vécu, je sais quelles souffrances se cachent derrière et cela m'attriste. Cette amplification est sûrement du à l'anxiété actuelle que subissent les jeunes. Il y a aussi cette augmentation des réseaux sociaux qui peut faire presque figure de propagande. Il me semble de plus en plus important de limiter ces contenus qui profitent de la fragilité de certains âges pour entraîner des jeunes gens dans des spirales dont ils ignorent les conséquences ».
Avez-vous des conseils à leur donner ? « Le principal conseil que je leur donnerai, c'est de trouver du soutien et de l'aide à l'extérieur. A un moment donné avec les TCA, on est enfermé en soi-même : avec sa propre logique qui s'accompagne d'une image très dévalorisée de soi et de beaucoup d'anxiété. Le meilleur moyen de lutter contre ça c'est de trouver à l'extérieur de la famille, qui est affectée, un interlocuteur qui pourra comprendre la détresse et démêler ce qui se passe dans sa tête. C'est un processus qui prend du temps mais c'est le moyen le plus efficace pour exprimer son anxiété, ses questionnements et de retrouver une image de soi-même qui correspond à la réalité ».
Quel a été le retour des lecteurs sur ce roman ? Avez-vous reçu des témoignages de personnes qui se sont reconnues dans votre histoire ? Oui, énormément. Dès sa parution, j'ai reçu beaucoup de témoignages et encore aujourd'hui. Parmi mes lecteurs et lectrices, beaucoup ont découvert mon travail littéraire grâce à ce livre qui a pu les aider à comprendre, à sortir de cette spirale.
Évidemment, cela me touche beaucoup. Et ces dernières années, j'ai aussi fait des interventions dans les hôpitaux qui accueillent les personnes touchées par les TCA, auprès de groupes de parole de parents pour les aider à comprendre ».
Pensez-vous qu'écrire ce livre a eu un effet cathartique pour vous ? Je ne pourrais pas exactement dire ça parce que je l'ai écrit longtemps après.
Quand j'étais à l'hôpital, j'ai écrit un journal intime qui lui a eu un effet cathartique et qui m'a permis de comprendre la situation, ce qui se passait dans ma tête et qui m'a sans aucun doute aidée à m'en sortir. Je l'ai gardé et c'est à partir de ce journal que j'ai écrit Jour sans faim. Et je pense que c'est quelque chose qu'on ressent, quand on lit ce livre, qu'il est écrit par quelqu'un de guéri. En soit , ce livre a été pour moi plus une aventure littéraire qu'une aventure psychologique car cette aventure avait déjà eu lieu… ».
Adèle Merlin,
Esther Spender Goude