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Lycée Kerneuzec, Quimperlé, le 15/12/2025.

L’arénicole, petit miracle de la médecine

Sur les plages de Bretagne, un discret ver marin pourrait bien porter l’une des innovations médicales les plus prometteuses du siècle. Invisible au premier regard, l’arénicole (Arenicola marina) vit enfouie dans le sable humide des côtes atlantiques.
Un arénicole sur une plage atlantique. (Crédit photo : Pixabay - Hans)
Pixabay - Hans
Un arénicole sur une plage atlantique.
À l’origine de cet intérêt : Franck Zal, biologiste marin français, a mis en lumière une particularité extraordinaire du sang de l’arénicole.
Son hémoglobine, dite extracellulaire, peut transporter jusqu’à 40 fois plus d’oxygène que l’hémoglobine humaine.
Autre particularité essentielle : elle n’est pas enfermée dans des globules rouges, ce qui la rend potentiellement compatible avec tous les groupes sanguins, un atout décisif pour un futur substitut de sang.

La découverte a déjà des applications concrètes pour les greffes et l’urgence médicale : en effet la molécule extraite de l’arénicole — nommée M101 — est aujourd’hui étudiée pour trois domaines clés.

Les greffes d’organes

Le principal défi lors d’une transplantation est la survie de l’organe au moment du prélèvement jusqu'à la greffe. Ajoutée aux solutions de conservation, l’hémoglobine du ver permettrait une meilleure oxygénation, diminuant les lésions dues au manque d’oxygène et donnant une durée de vie deux fois plus longue. Des essais incluant une soixantaine de patients ont déjà montré une bonne tolérance de cette molécule. Plusieurs organes greffés après perfusion à la M101 ont affiché une reprise fonctionnelle améliorée. Comme en 2021 en Inde, une greffe des deux avant-bras a été réalisée avec grand succès après qu'un homme ait eu un accident. La greffe a également très bien tenu dans le temps et a ainsi permis un rétablissement complet. Alors que celui-ci est souvent entravé lors de greffes sans cette molécule.

La cicatrisation

Des équipes de recherche ont testé un hydrogel enrichi en M101 pour traiter des plaies complexes. Dans un cas documenté scientifiquement, la cicatrisation d’une brûlure sévère a été significativement améliorée. L'histoire de Thomas, hospitalisé au CHU de Nantes, a fait le tour des médias. Grand brûlé, il n'avait plus d'espoir de cicatrisation complète. Jusqu'au jour où on lui annonça qu'un gel à base de la molécule pourrait l'aider à mieux cicatriser, plus vite et plus efficacement.

Un transporteur d’oxygène universel

Parce que sa structure est proche de celle de nos hémoglobines mais beaucoup plus stable, la M101 pourrait devenir un transporteur d’oxygène de secours dans des situations où une transfusion n’est pas possible. Ce type de substitut de sang, longtemps recherché, pourrait représenter une avancée majeure pour les services d’urgence, et ainsi permettre de ne plus seulement compter sur les seuls dons de sang.
De la plage au laboratoire : une filière française Pour produire cette molécule à grande échelle, Franck Zal a fondé la société Hemarina, qui élève aujourd’hui des arénicoles en Vendée.
La startup transforme ces vers en un “or rouge” d’un genre inédit : une hémoglobine lyophilisée, pouvant être conservée plusieurs années à température ambiante, contrairement aux 42 jours et 1°C à 6°C du sang humain. La démarche associe biomimétisme (innovation calquée sur les propriétés du vivant), innovation et technologie française : un rare alignement qui attire l’attention internationale.

Un potentiel immense, mais encore sous contrôle scientifique. Malgré les résultats enthousiasmants, les chercheurs rappellent que ces applications doivent suivre le parcours classique : essais cliniques étendus, validation réglementaire, et preuves sur plusieurs années. Les données disponibles aujourd’hui sont prometteuses, mais encore partielles.

Les délais des autorisations administratives françaises bloquent le projet de construction d'une usine Hemarina à Morlaix. Frank Zal menace donc de partir s'installer à l'étranger pour pallier ces problèmes.

Cette découverte, c’est avant tout un trésor naturel qui nous oblige à regarder différemment : un ver ignoré, parfois considéré comme “sale”, pourrait finalement devenir un allié essentiel de la médecine humaine. C’est aussi une leçon de modestie. La nature réussit parfois, dans la simplicité, ce que nous tentons de créer laborieusement. Et c’est dans un monticule de sable, sur une plage bretonne balayée par les marées, que l’on a peut-être trouvé une des grandes innovations médicales du futur.
Maïwenn Droal
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