Des victimes oubliées

Dans cet article vous découvrirez les témoignages inédits d'Annick et Georges, témoins civils directs de la Seconde guerre mondiale dans le pays de Quimperlé.
Les deux femmes tout à gauche et l'enfant habillé en blanc au milieu seront déportés à Auschwitz ( des juifs cachés par la famille de Georges). (Crédit photo : Georges ...)
Second article de notre série autour de la Poche de Lorient. La Seconde guerre mondiale a laissé de nombreuses victimes civiles, malheureusement beaucoup tombent dans l'oubli. Pour cet article, nous sommes partis interviewer Annick Pennober et Georges, témoins de l'atrocité de la guerre pendant leur enfance. Nous allons d'abord exprimer le témoignage d'Annick, puis celui de Georges.
Un jour comme les autres Ce jour, 11 septembre 1944 Jean Boulbart, grand frère d'Annick, âgé de 8 ans joue dans la cour de la maison familiale sur une brouette. Pendant ce temps, un détachement allemand passe dans son village de Sainte-Marguerite (Rédéné). Mais la position repérée par les Américains positionnés à quelques kilomètres de là, déclenche un bombardement ciblé sur la commune. Le frère est touché à l'aine et le père à la poitrine par des éclats d'obus.
Une fin tragique
Les deux blessés sont emmenés d'urgence à l'hôpital de Quimperlé. Éloigné de ses proches, Jean succombera à ses blessures dans sa chambre d'hôpital. Jean Le Clanche qui était hospitalisé dans la même chambre que l'enfant et son père se souviendra : "son fils agonisant seul, personne à son chevet, un simple paravent nous séparait, et avait été mis pour la circonstance".
Un retour difficile
Touché par un éclat d'obus près du cœur, le père d'Annick survit. Après sa convalescence il revient à la maison familiale sans son fils aîné. Ce drame va profondément marquer toute la famille, en particulier les parents. "Mes parents ont mal vécu après, ils sont restés traumatisés", nous a raconté Annick.
Plusieurs déménagements Après cet évènement et en raison du danger de rester dans la zone de la poche, la famille Pennober va déménager à Arzano où leur famille de Guidel habitait déjà. Ils vont y rester peu de temps avant de déménager à Quimperlé près du garage Citroën à Ros-Glas. Le bétail, lui, sera déplacé à pied sur Scaër. Ils vont y rester pendant quelques mois.
La vie ensuite Après la guerre, la famille Pennober logera dans une des baraques en bois relativement confortables que les Américains ont installées à Sainte-Marguerite. Cependant, un incident aura tout de même lieu dans la baraque voisine : la gazinière utilisée pour la cuisine prenant feu emmène avec elle la maison et le père de la famille résidente. Annick se souvient de la petite fille voisine du même âge qu'elle : "elle avait toutes ses mains brûlées".

Nous avons aussi eu la chance de découvrir une toute autre histoire, celle de Georges qui nous a fait le plaisir de venir nous rejoindre. Son témoignage illustre la fraternité entre citoyens.
L'occupation La famille de Georges, qui avait hérité d'une grande maison de campagne dans le hameau de Kergall à Arzano, a accueilli tout au long de la guerre des familles de réfugiés venues de Lorient qui "était devenu invivable". L'organisation était "bien simple : une pièce, une famille et il y avait même des gens qui étaient dans un grenier au dessus des vaches ". La famille de Georges a également accueilli une famille juive qui venait du bourg d'Arzano ; bien que la maison fût proche, elle était tout de même retirée et permettait aux réfugiés de se sentir plus en sécurité. Ils avaient une voiture avec eux et les parents de Georges l'ont cachée avec des fagots pour éviter tout problème avec les Allemands. Malheureusement les jeunes réfugiés voulaient retourner dans leur région d'origine dans le nord de la France. Ils seront arrêtés par les Allemands et déportés à Auschwitz-Birkenau et disparaîtront comme tant d'autres. Une femme d'Arzano recevra sur un papier un message de la famille juive annonçant qu'ils étaient dans des trains à bestiaux.
Les Américains
Georges et sa famille ont eu devant chez eux un camp américain qui était donc devenu une cible de l'artillerie allemande. Cette arrivée des Américains a été un chamboulement pour les paysans bretons, comme le disent Annick et Georges "avant les Américains c'était le Moyen-âge", "pour la première fois je voyais des humains noirs". Cette arrivée a également renforcé les dangers déjà présents. Georges a dû être déplacé à Guiscriff puisque les écoles d'Arzano étaient fermées, "les familles ont reçu l'ordre d'évacuer la commune, autant mes parents avaient reçu des réfugiés, autant ils devenaient concernés par la chose".
Les Allemands après la guerre Après la guerre, certaines familles locales ont reçu des prisonniers de guerre allemands en aide au travail. Les familles de Georges, Annick et Gabriel, le mari d'Annick, en ont eu un chez eux. Annick se souvient : "dans une pièce de la baraque il y avait plein de cartes postales avec des fleurs qu'il recevait de chez lui et qu'il affichait sur les murs". L'Allemand chez Annick s'appelait Willy. Ces Allemands ont laissé dans les mémoires plusieurs anecdotes comme chez Gabriel Pennober quand le prisonnier prenait dans ses bras Gabriel encore âgé de cinq ans et prononçait "moi égal petit" en se souvenant de son enfant en Allemagne qu'il n'avait pas vu depuis des années.
Mathéo Hannecart,
Gwenaël Phelippo-Dubois
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