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Quand l’IA réécrit l’histoire : le danger des deepfakes et des faux contenus historiques

Enquête sur la manipulation de l'information par l’IA et sa vérification.
Gaza reconstruite - image générée par IA (Crédit photo : ChatGPT)
Et si demain, notre passé n’était plus qu’un mirage façonné par l’intelligence artificielle ? Grâce aux deepfakes et aux contenus générés par IA, il est désormais possible de recréer des événements historiques… qui n’ont jamais existé. Une simple vidéo, comme celle récemment publiée par Donald Trump en février 2025 montrant Gaza transformée en station balnéaire, suffit à semer le doute. Face à cette nouvelle forme de désinformation, enquêter, vérifier et comprendre deviennent essentiels.
La manipulation de l'IA Dans un monde saturé d’images et d’informations instantanées, les deepfakes et les faux contenus historiques s’imposent comme une nouvelle menace silencieuse. Un deepfake est une vidéo, une image ou un enregistrement audio généré ou modifié par intelligence artificielle, au point de paraître authentique aux yeux du public. De la même manière, les contenus textuels falsifiés — fausses citations, documents historiques trafiqués — participent à brouiller les repères. Derrière cette parfaite illusion se cachent des algorithmes puissants et entraînés, capables d’imiter la voix d’un président ou de recréer l’apparence d’un événement qui n’a jamais existé. Leur précision est telle qu’elle défie souvent l’œil humain, rendant la manipulation de l’Histoire plus accessible que jamais.

Pourquoi l’IA est-elle utilisée pour réécrire le passé ? Les motivations sont multiples : propagande politique, campagnes de désinformation, réécriture idéologique de l’Histoire… Les outils d’IA permettent aujourd’hui de modeler les souvenirs collectifs au gré des intérêts. Les réseaux sociaux, par leur capacité à propager massivement et rapidement des contenus sans vérification préalable, jouent un rôle clé dans cette manipulation. À chaque partage, chaque clic, les fausses images du passé gagnent en crédibilité, menaçant peu à peu la frontière entre l’Histoire et la fiction.
Falsifications historiques à l’ère de l’IA La falsification de l’Histoire par l’intelligence artificielle n’est pas une menace théorique : elle est déjà à l’œuvre. À travers plusieurs exemples récents, on mesure comment les deepfakes et autres contenus truqués peuvent durablement influencer l’opinion publique.

Un premier exemple frappant concerne les incendies à Los Angeles en janvier 2025. De fausses images générées par intelligence artificielle, montrant des scènes d’apocalypse urbaine — immeubles en flammes, foules en panique —, ont circulé massivement sur les réseaux sociaux dès le 16 janvier. Ces visuels hyperréalistes, produits sans contexte ni mention de leur origine artificielle, ont semé la confusion, y compris auprès de médias peu vigilants. L’analyse fine de détails incohérents, comme des anomalies dans les textures ou l’absence de repères urbains précis, a permis aux fact-checkers de démontrer qu’il s’agissait d’images fabriquées.

Le phénomène touche aussi la sphère politique. En février 2025, Donald Trump a partagé une vidéo générée par IA imaginant Gaza transformée en station balnéaire futuriste, peuplée de statues dorées et de figures de milliardaires. Présentée sans avertissement clair sur sa nature fictive, cette vidéo a été perçue par beaucoup comme une vision politique sérieuse. Elle a rapidement alimenté des discours polarisants autour du conflit israélo-palestinien, illustrant le potentiel des contenus IA à réécrire l’actualité récente pour servir des intérêts idéologiques.

Enfin, les falsifications ne se limitent pas aux images et vidéos : les textes historiques sont aussi visés. Une fausse citation attribuée à Abraham Lincoln — “Internet est la nouvelle arme de la liberté” — a été massivement relayée sur les réseaux, malgré son anachronisme évident. Créée à l’origine comme une plaisanterie, elle a été reprise au premier degré dans des campagnes politiques, illustrant comment, même de petites falsifications peuvent altérer la perception collective d’une figure historique.
Comment se protéger contre la manipulation ? Face à la montée des contenus falsifiés par l’IA, il devient essentiel de développer des réflexes de vérification rigoureux. Plusieurs outils spécialisés permettent aujourd’hui d’analyser des images et des vidéos suspectes : des plateformes comme InVID ou Forensic aident à repérer des anomalies invisibles à l’œil nu, tandis que des applications comme Deepware Scanner détectent spécifiquement les contenus générés par IA. En parallèle, recouper l’information reste indispensable : confronter plusieurs sources fiables, rechercher l’origine d’une image via des outils de recherche inversée, ou consulter des sites de fact-checking reconnus est aujourd’hui une nécessité pour démêler le vrai du faux.

Mais la lutte contre la manipulation ne repose pas uniquement sur les individus. Les plateformes de diffusion, notamment les réseaux sociaux, portent une part de responsabilité dans la propagation des deepfakes. Certaines commencent à intégrer des outils d’identification automatique et à étiqueter les contenus manipulés. Par ailleurs, plusieurs projets de régulation législative émergent en Europe pour encadrer la diffusion de contenus générés par IA, exiger plus de transparence et sanctionner l’usage malveillant de ces technologies.

Enfin, la sensibilisation du grand public apparaît comme un rempart indispensable. Apprendre à douter, à analyser une information avant de la partager, devient une compétence clé dans un monde où la falsification est de plus en plus sophistiquée. L’éducation aux médias, notamment dans les écoles, et la promotion de bonnes pratiques — comme vérifier la source, chercher des preuves croisées et adopter une posture critique — sont des leviers majeurs pour éviter que la désinformation ne réécrive durablement notre Histoire.
Lou-Anne Camba Le Bail,
Marielle Morel
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