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"Plutôt que de parler des sondages, on ferait mieux de parler de la vie des gens"

Sondages d'intentions de vote et jeunesse abstentionniste : François-Xavier Lefranc, rédacteur en chef du Journal Ouest-France, nous donne son avis !
François-Xavier Lefranc (Crédit photo : FX Lefranc)
Fin 2021, le journal Ouest-France, quotidien de presse indépendant, a pris la décision de ne pas publier de sondages d'opinion concernant les intentions de votes pour les élections à venir (notamment pour les présidentielles). Cette décision peut sembler paradoxale dans le sens où, depuis les années 1980, ces sondages sont de plus en plus demandés et relayés par les médias. C'est pourquoi nous sommes allés interviewer le rédacteur en chef du journal Ouest-France, François-Xavier Lefranc qui a expliqué sa décision.
"Les sondages ne disent pas la vérité" Les sondages d'opinion ne sont pas forcément très fiables pour plusieurs raisons. Ils utilisent un échantillon de 1000 personnes seulement, nombre minimum pour considérer un sondage comme fiable. Mais les opinions exprimées par ces 1000 personnes permettent-elles une lecture représentative de l'avis des plus de 40 millions d'électeurs du pays ? Pas si sûr, d'autant plus que seule l'opinion des Français de la métropole est prise en compte. Interroger les territoires ultramarins français représenterait un coût supplémentaire que les instituts de sondages ne sont pas prêts à payer. Par ailleurs, la manière même dont les sondages sont réalisés est discutable car ils se font sur internet où les sondés répondent par de simples clics à des questionnaires très variés. Cela veut dire que n'importe qui peut y répondre n'importe quoi, mécaniquement, à n'importe quel type de questions, qui peuvent porter sur ses appartenances religieuses, ses orientations politiques ou ses éventuels choix de traitement contre le cancer. Dans ces conditions, pas évident de rester lucide jusqu'à la fin des questionnaires ! Ainsi, même les sondés les plus intègres peuvent être amenés à des résultats biaisés.
"De la communication plus que de l'information" Au delà des sondages eux-mêmes, les médias qui les utilisent ne sont pas irréprochables ! Quand ils mènent une quête d'audience, ils ont tendance à ne publier d'un sondage, qu'un chiffre choc alors-même que celui-ci possède de multiples nuances telles que la marge d'erreur qui précise la fiabilité des résultats. Aussi, par manque de temps et d'argent, la plupart des journalistes ne vérifient pas réellement la véracité des informations qu'ils en tirent. Dans ce contexte, leurs publications amènent à davantage de communication que d'information.
Des sondages qui perturbent le court de la campagne présidentielle Par ailleurs, les sondages influencent les votes. Quand quelqu'un est mis en avant dans un sondage, on lui donne la parole, on le commente et cela peut venir bouleverser l'équité du temps de parole, un principe pourtant fondateur de notre démocratie française. Pour preuve, l'ancien candidat à l'élection présidentielle, Eric Zemmour en a beaucoup bénéficié. Crédité par les sondages, d'un fort pourcentage d'intentions de vote, avant même qu'il ne fût déclaré candidat, il a bénéficié d'une forte couverture médiatique sans que ses apparitions ne fussent contrôlées. Ainsi, E. Zemmour a détenu le plus grand temps de parole par rapport à ses concurrents, lui conférant de fait un avantage non-négligeable en début de campagne présidentielle.
"L'enquête qualitative plutot que quantitative" Enfin et surtout, "ces sondages nous éloignent de l'essentiel des élections". Plutôt que "de parler de sondages", ne faudrait-il pas "s'intéresser à la vie des gens" ? F.-X. Lefranc qui déclarait "si je veux savoir ce que pensent les français, alors il faut aller voir les gens et leur parler", en est convaincu. C'est pourquoi Ouest-France privilégie l'enquête qualitative plutôt celle quantitative.
Cependant, bien que, pour l'heure, le quotidien de presse semble fermer ses portes aux sondages, il n'exclut pas d'y recourir dans le cadre d'analyses qualitatives, en augmentant notamment le nombre de personnes interrogées.
Ouest-France, à la reconquête des jeunes Malgré cette position singulière face aux sondages, F.-X.. Lefranc est bien conscient que la presse à un grand rôle à jouer dans cette campagne présidentielle notamment auprès des jeunes électeurs chez qui l'abstention bat des records. L'information est capitale pour choisir qui sera le nouveau Président de la République. Or, la jeunesse ne sait plus vraiment où s'informer. Ainsi, le défi que les médias doit relever est celui de reconnecter la jeunesse à l'information. "Et puisqu'un lecteur, ça se mérite", le journal multiplie les innovations pour intéresser la nouvelle génération comme "le Lab présidentielles 2022", une plateforme aux multiples formats novateurs. Ces efforts portent leurs fruits car le journal est devenu la deuxième plateforme médiatique numérique la plus visitée en France.
"Certains abstentionnistes pensent que le vote ne change rien" alors que "s'ils votaient, ils pourraient tout changer" Toutefois, F.-X. Lefranc reste lucide et sait que l'action de son seul journal ne suffira pas à réduire significativement l'abstention, qu'il considère comme un danger pour la démocratie. Parmi les nombreuses propositions qui animent le débat public afin de relancer la participation, il se prononce en faveur de plusieurs mesures. Selon lui, les attentes des jeunes de 16 et 17 ans sont trop peu prises en considération, c'est pourquoi il pense que le vote à 16 ans ainsi que l'intégration active des jeunes dans les conseils municipaux sont des propositions intéressantes. Il souligne que les abstentionnistes qui prétendent que "le vote ne change rien" se trompent. "S'ils votaient, ils pourraient tout changer." C'est pourquoi, il soutient l'idée d'un vote obligatoire, une mesure adoptée depuis 1893 dans la Constitution de la Belgique. Enfin, convaincu que la démocratie directe et participative devrait être renforcée, il prône la multiplication des referendums et propose de donner la possibilité aux municipalités d'en avoir l'initiative, à l'image de ce qui existe en Suisse.
N.Bataille et A.Queffelec
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