Journal des Lycées > L'actualité des lycées
> Morbihan > Lycée Benjamin Franklin > Les articles > De l'ordre dans le chaos ?
De l'ordre dans le chaos ?
Le hasard, certains affirment qu'il existe d'autres préfèrent croire au destin ; mais alors pour la science, qui a raison ?
Le chaos en physique
Au début du XXe siècle, le physicien Henri Poincaré commence à apporter de nombreuses clefs au développement d'une branche désormais majeure de la physique : la théorie du chaos. Attention, en physique, le chaos n'est pas forcément ce que l'on peut imaginer : on dit qu'un système est chaotique lorsque celui-ci est tellement sensible à sa condition initiale et aux conditions de son environnement qu'il fait preuve d'un grand manque de prévisibilité dans un espace de temps donné.
Un chaos ordonné ? Vous êtes nombreux à avoir déjà entendu parler de ce que l'on appelle : la théorie du Chaos. Que ce soit à travers une discussion ou un monologue de Ian Malcolm pour les cinéphiles amateurs de dinosaures. Plus connue sous le nom "d'effet papillon", il s'agit d'un modèle mathématique passionnant qui décrit des systèmes dynamiques (systèmes qui évoluent dans le temps). Formulée simplement, elle dit que les plus petites altérations sur un système peuvent avoir de grosses conséquences sur celui-ci ; et les conséquences engendrées sur ce système peuvent devenir des fluctuations sur un autre système, etc... Pour le prouver, il existe de nombreuses observations concrètes. Par exemple en météo : un météorologue fait un jour une simulation météo et obtient que demain il pleuvra. Il réitère sa simulation en réutilisant les mêmes variables (pression, vitesse du vent etc.) mais arrondies à 5 chiffres après la virgule. Il s’aperçoit qu'au lieu de prédire de la pluie, il prédit désormais simplement quelques nuages, pourtant avec les "mêmes variables" ! Pourquoi ? Car il a oublié des décimales. Il aurait fallu qu'il mette tous les chiffres après la virgule pour avoir le même résultat qu'avant. Mais même avec ça, on remarque le lendemain que toutes ses prévisions étaient fausses. Pourquoi ? Peut-être à cause d'un battement d'aile de papillon qui a modifié la vitesse du vent de manière infime quelque part en Bretagne. C'est donc une variation infinitésimale (très loin après la virgule) qui a changé le résultat. Rien n'est insignifiant dans le chaos ; de tout petits changements engendrent de grosses conséquences. Afin de représenter la réalité de la météo, il faudrait prendre en compte tous les facteurs pouvant changer à tout endroit de la planète : la pression atmosphérique, la vitesse du vent etc... et donc une quantité phénoménale de variables et de décimales dans les calculs.
Pour résumer, si l'on veut connaître l'état d'un système A dans un temps T, il faudra prendre en compte tous les facteurs B pouvant agir sur A, et tous les facteurs pouvant agir sur B, etc... Ainsi, pour déterminer la position exacte d'une balle après un lancer, vous devez savoir avec quelle force votre voisin est en train de respirer, et même la température à l'intérieur de votre lave-vaisselle. Une autre image est celle du retour dans le temps. Imaginez que quelqu'un voyage dans le passé et qu'il cueille une pomme dans un arbre ; une fois retourné dans le présent, plus rien ne sera pareil, peut-être même que celui qui a cueilli la pomme n'existera plus (ce qui conduit au grandfather paradox mais ce n'est pas le sujet ). Votre état actuel a été influencé par l'état de cette pomme.
Indéterminisme ? Une erreur fréquente est d'affirmer trop tôt que notre monde est indéterministe (c'est à dire qu'il est impossible de prévoir quoi que ce soit en vertu d'une règle physique ou mathématique) ou dit plus simplement, qu'une forme de hasard régit notre monde. Illustrons cette idée avec le double pendule :
Imaginez un pendule, allant de gauche à droite. Sa trajectoire est calculable et connue. Il va à gauche, puis il va à droite, c'est binaire. Maintenant, installez un autre pendule au bout du 1er, puis donnez lui une impulsion pour qu'il entre en mouvement : ce mouvement sera difficilement prévisible à l’oeil. Maintenant, donnez une impulsion significativement identique, la trajectoire du double pendule ne sera JAMAIS la même qu'avant. Non pas parce qu'elle est aléatoire mais parce que la moindre nano différence de force entre deux essais aura des conséquences remarquables. Peut-être qu'au début, les deux trajectoires auront l'air identiques, mais il viendra un moment où elles n'auront plus rien en commun. Car il est impossible en pratique de donner la même impulsion à l'atome près. Le double pendule est un objet chaotique.
Nous sommes donc en face d'un système causal (c'est-à-dire qui est le résultat d'une action) et pourtant imprévisible. Cela s'oppose au déterminisme qui, au contraire, dit que tout ce qui est causal (dans notre monde macroscopique) est prévisible. Le hasard régit donc ce qui nous entoure ? A vrai dire non, il reste prévisible, juste indéterminable (sans approximation). Il ne faut pas confondre ces deux notions : l'indéterminsime affirme une impossibilité théorique et pratique de déterminer quelque chose, mais quelque chose d'indéterminable est simplement indéterminable en pratique car par exemple cela demanderait une précision impossible à obtenir pour nous. Mais si l'indéterminisme a déjà été prouvé à l'échelle atomique avec le principe d'incertitude d'Heinsenberg qui affirme que le hasard existe chez certaines particules, jamais il n'a été prouvé que notre monde macroscopique soit indéterministe. Donc pour que quelque chose soit imprévisible, il n'y a pas forcément besoin d'une intervention du hasard ; d'ailleurs les détracteurs de la physique quantique pensent même que le hasard n'a pas besoin d'exister pour expliquer ce qui nous entoure.
Déterminisme dur ? Mais avec cela, tout peut devenir encore plus prévisible qu'avant ! L'état d'un système dépend d'énormément de choses, tellement qu'il n'y aurait justement plus de place pour le hasard. Le démon de Laplace est une métaphore assez simple imaginée par le philosophe Pierre-Simon Laplace dans son essai sur les probabilités. Il imagine ce qui se passerait si une intelligence arrivait à connaître toutes les forces qui composent l'univers, de la position de la moindre feuille à la température du plus petit caillou de l'espace jusqu'à l’intensité de pesanteur sur Pluton, tout cela à un instant précis, seulement lors d'une nano seconde. Et bien le résultat serait que cette intelligence atteindrait l'omniscience et son présent serait confondu avec le passé, notre présent et le futur.
Et c'est cela le déterminisme dur, l'affirmation que notre sensibilité à nos conditions initiales fait qu'il n'y a plus aucune place au libre arbitre, et donc que tout est déterminable d'une manière ou d'une autre : nous serions donc conditionnés ? Une autre théorie semblable est celle du fatalisme qui reprend les mêmes arguments et dit que le destin est fixé à l'avance par une force supérieure (par exemple un Dieu mais il peut s'agir d'autre chose). Mais à l'heure actuelle, les désaccords sur la question du libre-arbitre sont nombreux, même en science. Et la théorie du chaos n'apporte finalement qu'une réponse ambiguë en affirmant que tout peut être dépendant de ses conditions initiales et pourtant être indéterminable et imprévisible. Ajoutons à cela que tous les systèmes théoriques étudiés ne prennent pas en compte l'éventuelle possibilité qu'une décision prise par un être vivant puisse être indépendante d'un quelconque conditionnement.
Manassé VREL-ENJALBERT, P04
Un chaos ordonné ? Vous êtes nombreux à avoir déjà entendu parler de ce que l'on appelle : la théorie du Chaos. Que ce soit à travers une discussion ou un monologue de Ian Malcolm pour les cinéphiles amateurs de dinosaures. Plus connue sous le nom "d'effet papillon", il s'agit d'un modèle mathématique passionnant qui décrit des systèmes dynamiques (systèmes qui évoluent dans le temps). Formulée simplement, elle dit que les plus petites altérations sur un système peuvent avoir de grosses conséquences sur celui-ci ; et les conséquences engendrées sur ce système peuvent devenir des fluctuations sur un autre système, etc... Pour le prouver, il existe de nombreuses observations concrètes. Par exemple en météo : un météorologue fait un jour une simulation météo et obtient que demain il pleuvra. Il réitère sa simulation en réutilisant les mêmes variables (pression, vitesse du vent etc.) mais arrondies à 5 chiffres après la virgule. Il s’aperçoit qu'au lieu de prédire de la pluie, il prédit désormais simplement quelques nuages, pourtant avec les "mêmes variables" ! Pourquoi ? Car il a oublié des décimales. Il aurait fallu qu'il mette tous les chiffres après la virgule pour avoir le même résultat qu'avant. Mais même avec ça, on remarque le lendemain que toutes ses prévisions étaient fausses. Pourquoi ? Peut-être à cause d'un battement d'aile de papillon qui a modifié la vitesse du vent de manière infime quelque part en Bretagne. C'est donc une variation infinitésimale (très loin après la virgule) qui a changé le résultat. Rien n'est insignifiant dans le chaos ; de tout petits changements engendrent de grosses conséquences. Afin de représenter la réalité de la météo, il faudrait prendre en compte tous les facteurs pouvant changer à tout endroit de la planète : la pression atmosphérique, la vitesse du vent etc... et donc une quantité phénoménale de variables et de décimales dans les calculs.
Pour résumer, si l'on veut connaître l'état d'un système A dans un temps T, il faudra prendre en compte tous les facteurs B pouvant agir sur A, et tous les facteurs pouvant agir sur B, etc... Ainsi, pour déterminer la position exacte d'une balle après un lancer, vous devez savoir avec quelle force votre voisin est en train de respirer, et même la température à l'intérieur de votre lave-vaisselle. Une autre image est celle du retour dans le temps. Imaginez que quelqu'un voyage dans le passé et qu'il cueille une pomme dans un arbre ; une fois retourné dans le présent, plus rien ne sera pareil, peut-être même que celui qui a cueilli la pomme n'existera plus (ce qui conduit au grandfather paradox mais ce n'est pas le sujet ). Votre état actuel a été influencé par l'état de cette pomme.
Indéterminisme ? Une erreur fréquente est d'affirmer trop tôt que notre monde est indéterministe (c'est à dire qu'il est impossible de prévoir quoi que ce soit en vertu d'une règle physique ou mathématique) ou dit plus simplement, qu'une forme de hasard régit notre monde. Illustrons cette idée avec le double pendule :
Imaginez un pendule, allant de gauche à droite. Sa trajectoire est calculable et connue. Il va à gauche, puis il va à droite, c'est binaire. Maintenant, installez un autre pendule au bout du 1er, puis donnez lui une impulsion pour qu'il entre en mouvement : ce mouvement sera difficilement prévisible à l’oeil. Maintenant, donnez une impulsion significativement identique, la trajectoire du double pendule ne sera JAMAIS la même qu'avant. Non pas parce qu'elle est aléatoire mais parce que la moindre nano différence de force entre deux essais aura des conséquences remarquables. Peut-être qu'au début, les deux trajectoires auront l'air identiques, mais il viendra un moment où elles n'auront plus rien en commun. Car il est impossible en pratique de donner la même impulsion à l'atome près. Le double pendule est un objet chaotique.
Nous sommes donc en face d'un système causal (c'est-à-dire qui est le résultat d'une action) et pourtant imprévisible. Cela s'oppose au déterminisme qui, au contraire, dit que tout ce qui est causal (dans notre monde macroscopique) est prévisible. Le hasard régit donc ce qui nous entoure ? A vrai dire non, il reste prévisible, juste indéterminable (sans approximation). Il ne faut pas confondre ces deux notions : l'indéterminsime affirme une impossibilité théorique et pratique de déterminer quelque chose, mais quelque chose d'indéterminable est simplement indéterminable en pratique car par exemple cela demanderait une précision impossible à obtenir pour nous. Mais si l'indéterminisme a déjà été prouvé à l'échelle atomique avec le principe d'incertitude d'Heinsenberg qui affirme que le hasard existe chez certaines particules, jamais il n'a été prouvé que notre monde macroscopique soit indéterministe. Donc pour que quelque chose soit imprévisible, il n'y a pas forcément besoin d'une intervention du hasard ; d'ailleurs les détracteurs de la physique quantique pensent même que le hasard n'a pas besoin d'exister pour expliquer ce qui nous entoure.
Déterminisme dur ? Mais avec cela, tout peut devenir encore plus prévisible qu'avant ! L'état d'un système dépend d'énormément de choses, tellement qu'il n'y aurait justement plus de place pour le hasard. Le démon de Laplace est une métaphore assez simple imaginée par le philosophe Pierre-Simon Laplace dans son essai sur les probabilités. Il imagine ce qui se passerait si une intelligence arrivait à connaître toutes les forces qui composent l'univers, de la position de la moindre feuille à la température du plus petit caillou de l'espace jusqu'à l’intensité de pesanteur sur Pluton, tout cela à un instant précis, seulement lors d'une nano seconde. Et bien le résultat serait que cette intelligence atteindrait l'omniscience et son présent serait confondu avec le passé, notre présent et le futur.
Et c'est cela le déterminisme dur, l'affirmation que notre sensibilité à nos conditions initiales fait qu'il n'y a plus aucune place au libre arbitre, et donc que tout est déterminable d'une manière ou d'une autre : nous serions donc conditionnés ? Une autre théorie semblable est celle du fatalisme qui reprend les mêmes arguments et dit que le destin est fixé à l'avance par une force supérieure (par exemple un Dieu mais il peut s'agir d'autre chose). Mais à l'heure actuelle, les désaccords sur la question du libre-arbitre sont nombreux, même en science. Et la théorie du chaos n'apporte finalement qu'une réponse ambiguë en affirmant que tout peut être dépendant de ses conditions initiales et pourtant être indéterminable et imprévisible. Ajoutons à cela que tous les systèmes théoriques étudiés ne prennent pas en compte l'éventuelle possibilité qu'une décision prise par un être vivant puisse être indépendante d'un quelconque conditionnement.
Manassé VREL-ENJALBERT, P04