Julian Assange, l'homme traqué

L'acharnement de Washington, une menace sur la liberté de la presse ?
Logo WikiLeaks Party (Crédit photo : wikimedia)
Tout d'abord, il faut comprendre de qui nous allons parler et de quelle affaire il s'agit.
Julian Assange est un informaticien australien qui maintient des activités de hacker en parallèle. C'est aussi et surtout un lanceur d'alerte qui milite pour un internet transparent et une liberté d'expression totale. Il n'hésite par ailleurs pas à hacker des organisations comme la Nasa ou le Pentagone. Et c'est bien ce rôle là qui nous intéresse ici :
car c'est en 2006 qu'il fonde Wikileaks et en devient un des principaux administrateurs. Le rôle de ce site est de divulguer des documents confidentiels qui mettent en lumière les abus des États, de l'armée et bien d'autres encore, au travers de scandales d'espionnage, de corruption ou de violation des droits de l'Homme. Les lanceurs d'alertes publiaient donc toutes sortes de documents sensibles tout en restant anonymes. D’ailleurs, en Anglais, "leak" veut dire"fuite".

C'est en 2010 que le tout prend une ampleur nouvelle. Plus de 700 000 documents sont publiés, montrant le revers des actions diplomatiques et militaires des USA. Le document le plus emblématique est sans doute une vidéo où l'on voit un hélicoptère américain tirer sur des civils Irakiens, à Bagdad : au moins 18 sont morts. Cette affaire contraint le Pentagone à ouvrir une enquête. Les forces américaines restent impassibles : les journalistes sont des «  dommages collatéraux  », les autres des «  insurgés  » ! Pourtant, l'opinion publique condamne bien ces images et accuse le pays de commettre de véritables crimes de guerre.

Ce qui est reproché à Assange est alors assez évident : la justice américaine l'accuse d'espionnage et d'atteinte à la sécurité du pays. L'homme, traqué depuis plus de dix ans, risque 175 ans de prison aux État-Unis. Mais c'est là que l'histoire se complique car le célèbre lanceur d'alerte n'est pas prêt de se rendre à la justice américaine.

Résumons un peu ce qui s'est passé ces dernières années : en 2012, il se réfugie à l'ambassade d’Équateur à Londres, jusqu'en 2019 où le nouveau président équatorien Lenin Moreno met fin à son asile politique. Il est ensuite arrêté par les autorités britanniques puis placé dans la prison de Belmarsh où sa santé se dégrade. Début 2021, la justice britannique refuse sa libération sous caution. Julian Assange reste en prison. Les États-Unis font ensuite appel de la décision de justice et demandent l’extradition de Julian Assange. Il a passé, il y a quelques semaines, le cap des 1000 jours dans une prison de haute sécurité et risque, s'il est extradé, la torture et la prison à vie. On peut en outre se demander si un tel traitement était mérité, ou au moins justifié.

Maintenant, il faut comprendre pourquoi cet homme fait débat, notamment dans ses méthodes. Ce qui lui est reproché, et plus généralement à Wikileaks, c'est une trop grande transparence, qui menacerait la diplomatie (notamment américaine). "Le secret n'est pas, par essence, maléfique. Seul l'usage qui en est fait peut être dévoyé", écrit Dominique Quinio, de La Croix. Certains revendiquent donc l'importance d'un secret d’État, qui serait nécessaire dans quelques cas. Surtout que des personnes qui étaient encore en missions secrètes (plus si secrètes du coup) se sont retrouvées impliquées dans la fuite d'informations et mises en danger. La manière "brute" de procéder de Wikileaks ne plaît naturellement pas à d'autres. Ironiquement, certains accusent aussi le site de ne pas être assez transparent, en envoyant des informations au compte-goutte.

“C'est le principe du journalisme de diffuser des informations quand elles sont vraies et d'intérêt général, que ça plaise ou non au gouvernement, sinon vous n'êtes plus dans une démocratie ” : voilà une des réponses de Julien Assange à ses opposants. Il dénonce le fait qu'ait été utilisée une instrumentalisation des règles juridiques pour servir des objectifs purement et simplement politiques, et non au nom véritable de la justice. Le lanceur d'alerte ne fait clairement pas l’unanimité, pour des raisons que nous avons évoquées, le fait que certains le considèrent difficilement comme un journaliste, également pour d'autres affaires personnelles. Pourtant, l'issue de cette affaire inquiète d'autant plus qu'elle pourrait avoir un impact sur la liberté de la presse, à cause d'une loi utilisée pour condamner son rôle de diffuseur d'informations, et plus seulement de lanceur d'alerte. On ne défend pas tant une personne, mais plutôt l'apport au journalisme qu'il a représenté.

Si le sujet vous intéresse, sachez qu'un documentaire est sorti récemment sur cette affaire : Hacking Justice, réalisé par Clara López Rubio et Juan Pancorbo, réalisateurs espagnols. L'histoire débute en 2012. Vous en saurez plus sur les implications politiques profondes, sur la justice et la liberté d’informer. Le cinéma Ti Hanok avait de plus proposé une projection de ce film, avec la collaboration de la Maison des lanceurs d’alerte pour une séance "ciné-débat", avec Juliette Alibert, avocate, et un lanceur d’alerte pour intervenir dans la discussion.

Léna TONNERRE T08
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