Peut-on tricher avec le temps ?

Pour beaucoup, le temps est régi par une unique horloge universelle, qui donnerait le tempo à l'univers. Mais les 13 secondes que vous aura coûtée cette introduction sont bien plus complexes qu'il n'y paraît. Alors, que dites-vous de (re)découvrir le temps ?
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La relativité restreinte est une théorie de physique publiée il y a plus d'un siècle en 1905 par Albert Einstein. Elle traite d'énormément de sujets extrêmement complexes, mais c'est sur l'un d'entre eux que nous allons nous pencher : la dilatation du temps. En effet, le temps est relatif, c'est à dire que chacun possède son "horloge personnelle", Pour nous humains, elles restent toutes synchronisées à la nanoseconde près. Mais il est possible de les désaccorder, de faire en sorte que le temps s'écoule différemment pour certains d'entre nous.

À savoir
Avant de commencer, il est important de préciser plusieurs choses : vous savez tous que la perception de la vitesse d'un objet dépend de l'endroit d'où on l'observe. Par exemple, si vous vous allongez au bord de l'autoroute (chacun ses hobbys !) et qu'une voiture passe à côté de vous, sa vitesse de votre point de vue sera de 130 Km/h. Mais si vous êtes dans une voiture qui se déplace dans le même sens sur cette autoroute à 110 Km/h, alors de votre point de vue, la voiture à 130 Km/h ne se déplacera qu'à 20 Km/h. Comme nous l'avons vu en seconde, la vitesse dépend du référentiel à partir duquel on la mesure. Eh bien, ce n'est pas forcément vrai ! Toutes les vitesses sont dites relatives à quelque chose, sauf une : celle de la lumière qui est constante. Cette vitesse nommée C, de valeur 299 792 458 m/s sera toujours la même pour notre piéton allongé, pour les deux conducteurs à 110 et 130 Km/h et même pour la planète Terre bien qu'elle se déplace à une vitesse très élevée dans l'espace. Nous ne pouvons donc pas rattraper la lumière, car elle se déplace toujours à la même vitesse par rapport à nous, qu'importe le référentiel à partir duquel on la calcule. Cette propriété de la lumière a été établie par une expérience de Michelson-Morley en 1881. Coup dur pour les chats, qui ont donc définitivement perdu leur chasse aux points lumineux rouges !

Perception du temps en fonction de la vitesse
Intuitivement, savoir que la lumière se déplace toujours à la même vitesse par rapport à nous ne paraît pas être lié à l'écoulement du temps, mais la vérité est tout autre. Pour le comprendre nous allons faire une nouvelle expérience de pensée. Prenons un photon (nom d'une particule de lumière se déplaçant toujours à la vitesse C.) Imaginons-le sous la forme d'une balle de ping-pong se déplaçant à 1 m/s rebondissant indéfiniment du sol au plafond (sachant que le plafond est à 1 m du sol) dans un vaisseau spatial. Si un astronaute se trouve avec la balle, il la verra se déplacer à 1 m/s et mettre une seconde pour passer du sol au plafond en parcourant seulement une fois cette distance, soit un mètre. Imaginons désormais qu'au même instant, un individu sur terre puisse voir cette balle rebondir à travers le vaisseau, il la verra aussi se déplacer à 1 m/s car la vitesse de la lumière est constante, quelle que soit la vitesse du vaisseau spatial, y compris à des vitesses très élevées. Mais pour le spectateur terrestre, la balle devra suivre une trajectoire diagonale car elle se déplacera avec le vaisseau, et pour lui elle parcourera une distance un peu plus élevée que celle que l'astronaute est en train d'observer, par exemple 1.5 m. Or si l'observateur terrien voit cette balle parcourir 1.5 m, comme la vitesse de la lumière est constante, c'est en 1.5 s qu'il doit la voir parcourir cette distance. Ainsi nous pouvons voir qu'avec cette propriété établie par Einstein selon laquelle la vitesse de la lumière est constante, un évènement identique peut s'écouler à une vitesse différente pour deux personnes : le temps s'est contracté en raison de la vitesse dans le vaisseau spatial. Pour faire simple, plus on se déplace vite, plus le temps s'écoule lentement pour nous par rapport à quelqu'un dont la vitesse est faible, et cela a été établi dans la théorie de la relativité restreinte.

Quelques données
Attention cette contraction ne fonctionne qu'à partir de vitesses très élevées. Quelqu'un voyageant couramment en avion vieillira moins vite de seulement quelques nanosecondes. Pour en revenir au vaisseau, s'il se déplace à une vitesse inférieure à 10 % de la vitesse de la lumière, la différence ne sera pas notable. A partir de 50 % de la vitesse de la lumière, la différence devient réellement perceptible : le temps s'écoule 15 % moins vite, 24h sur terre correspondent à 21h à cette vitesse. Mais la différence atteint de grosses proportions à partir de 95 % de C : à cette vitesse le temps s'écoule 320 % moins vite, 24h sur terre correspondent à seulement 7h30 à cette vitesse. Mais cette différence de perception du temps peut devenir bien plus conséquente si l'on s'approche des 99 % de la vitesse de la lumière : si vous vous déplacez à 99.999 % de la vitesse de la lumière, une journée sur terre ne correspondrait qu'à 6 minutes et 26 secondes ( le temps s'est écoulé 223.607 plus lentement que sur Terre.) Et en se déplaçant à 99.9999 % de la vitesse de la lumière, soit à peine 1.000009 plus vite que précédemment, le temps écoulé dans le vaisseau pour une journée sur terre ne sera plus de 6 minutes, mais de 2 minutes et 2 secondes, soit 707.1 fois plus lentement que sur Terre. Nous pouvons ainsi nous rapprocher indéfiniment de la vitesse C et de cette façon dilater le temps de façon exponentielle ; mais seul un photon peut l'atteindre. C'est une limite inatteignable. A cette vitesse, la dilatation du temps serait infinie : une seconde, microseconde ou nanoseconde à cette vitesse correspondrait à un temps infini pour nous. Un photon assiste donc à la création et à la destruction de l'univers en même temps.

Application pratique
Ainsi, grâce à la relativité restreinte, des horizons que l'on peut penser trop éloignés pour l'homme se trouvent de nouveau accessibles. Car cette théorie contredit le premier argument en défaveur de l'exploration spatiale qui objecte : "Les systèmes potentiellement habitables sont trop éloignés, on mourra de vieillesse avant de les atteindre." Prenons par exemple la planète TRAPPIST 1-d se situant à 39.5 années-lumières de nous : si nous réussissons à envoyer une navette, disons à seulement 50 % de la vitesse de la lumière en direction de cette exoplanète, pour un spectateur terrestre le voyage prendrait plus de 79 ans, mais pour les personnes à bord du vaisseau, le voyage aura duré à peine plus de 68 ans. Maintenant, imaginons que nous nous déplacions à 99 % de la vitesse de la lumière, ce même voyage pour les personnes sur Terre durera environ 39.9 ans mais pour les passagers du vaisseau, la contraction du temps fera que le voyage durera environ 7.08 fois moins longtemps c'est à dire seulement 5.63 ans. Un autre problème majeur serait le carburant, mais celui-ci se trouvant dans le référentiel du vaisseau, il en faudrait une quantité nécessaire pour 5,63 ans et non pour 39.9 ans. Mais le plus fou est que, si nous réussissons à atteindre des vitesses démesurées, on pourrait théoriquement faire des bonds dans le temps, c'est à dire, aller dans le futur en quelques secondes ! Cependant, le retour arrière lui, reste de la fiction.
Manassé VREL-ENJALBERT, P04
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