Gwendoline Lemée est restauratrice d'art

Ancienne élève du lycée, Gwendoline a obtenu son bac S en 2007. Voici son parcours.
Gwendoline restaure un livre imprimé de Gerardi Mercatoris, 1628. (Crédit photo : Valérie Hérault)
Quels sont tes souvenirs du lycée ? J'ai le souvenir de beaux moments d'amitié, mais aussi de l'intensité du rythme et d'une grande quantité de savoirs à assimiler, dans divers domaines. J'aimais beaucoup les matières scientifiques, même si je ne savais pas vraiment où me mèneraient toutes ces connaissances accumulées. Finalement, mon bagage scientifique m'a beaucoup servi par la suite quand j'ai étudié les pigments, les liants, les encres ferro-galliques, la composition du parchemin et du papier, les phénomènes de dégradation des œuvres d'art... Et évidemment, je me souviens du forum des métiers organisé par le lycée où j'ai eu la chance de rencontrer des conservateurs-restaurateurs de bois doré et de sculptures anciennes, installés à Noyal. Ce fut le coup de cœur pour ce métier : l'équilibre parfait entre l'intellect et le manuel, entre les sciences, l'histoire de l'art et l'artisanat.
Quels sont les professeurs dont tu te souviens ? Je me souviens de tous, chacun avec sa personnalité, son style, sa pédagogie, son humour. Je me souviens d'eux comme des personnes ayant un grand savoir dans un domaine particulier, un univers à chaque fois et une envie de nous transmettre leurs connaissances.
Quelles études supérieures as-tu suivies ? J'ai commencé par une MANAA (Mise à Niveau en Arts Appliqués) au Lycée Vauban à Brest qui m'a ouvert les portes de nombreuses écoles d'art en France et notamment les écoles de Design. Or rester devant un ordinateur ne m'intéressait pas. J'ai donc suivi mon coup de cœur et j'ai passé le concours pour l'Ecole Supérieure d'Art d'Avignon où j'ai commencé mon apprentissage du métier de conservateur-restaurateur du patrimoine. Après avoir validé mon DNAP (Diplôme National d'Arts Plastiques) au bout de trois ans, j'ai décidé de me spécialiser dans l'univers du livre ancien et du papier. J'ai donc intégré La Cambre à Bruxelles (Ecole Supérieure des Arts Visuels) pour valider un Master en conservation-restauration de livres et documents graphiques. Ce furent des années extraordinaires. J'ai adoré le concret de mes études, surtout les sciences appliquées, tous ces savoirs qui prennent enfin leur sens : la chimie des molécules de cellulose et de collagène pour comprendre le papier et le cuir, les mécanismes de dégradation des œuvres d'art, l'usage des polymères dans les adhésifs de restauration... J'ai aussi consacré beaucoup de mes vacances à faire des stages dans divers ateliers de restauration, en France et à l'étranger.
Parle-nous de tes expériences professionnelles Grâce aux encouragements de ma maman, Annie Raymond-Lemée, professeur d'anglais au lycée, je me suis tournée vers le Royaume-Uni pour commencer ma carrière. J'avais lu et étudié de nombreux auteurs anglo-saxons dans le cadre de mon mémoire de fin d'études et j'aimais beaucoup leur approche patrimoniale. J'ai donc commencé par travailler dans un atelier privé en Cornouailles anglaises où j'ai été plongée dans le monde de la restauration des reliures anciennes et de documents d'arts graphiques. Cette expérience très enrichissante m'a permis ensuite d'intégrer un poste de conservateur-restaurateur de manuscrits au Fitzwilliam Museum de Cambridge où j'ai passé deux années merveilleuses à restaurer de sublimes et précieux manuscrits (manuscrits enluminés de l'époque médiévale, manuscrits de musique de grands compositeurs comme Bach et Haendel), chartes sur parchemin avec sceaux en cire. Ce fut un environnement très stimulant intellectuellement car j'étais entourée de spécialistes en tous genres et de chercheurs du monde entier.
Quelles missions exerces-tu actuellement ? Après quatre années passées en Angleterre, j'ai décidé de rentrer en France et de monter mon atelier de conservation-restauration de livres et de documents graphiques. Depuis 2018, je travaille à mon compte pour de nombreuses institutions (musées, bibliothèques, archives) et pour quelques collectionneurs privés. Je passe la plus grande partie de mon temps à l'atelier où je restaure des ouvrages. Mes activités sont très variées. Bien sûr il y a la diversité de la restauration des biens confiés : d'une carte du monde gravée sur papier vergé du XVIIIème siècle à un manuscrit écrit sur parchemin datant du XIIIème siècle ; d'une reliure en cuir du XVIIème siècle avec fleurons dorés sur le dos à un livre d'artiste du XXème siècle. Et puis il y a la diversité des activités : restauration des œuvres, réalisation de conditionnements sur-mesure, constats d'état, documentation des interventions, réalisation de dossiers de candidatures pour des marchés publics, conseil aux conservateurs de fonds anciens rencontrant des problèmes de moisissures par exemple, aide au montage d'exposition, mise en place de formations d'initiation au monde du livre ancien pour des archivistes, et enfin tout ce qui est lié à la gestion d'une petite entreprise individuelle. Pas de quoi s'ennuyer, et surtout, je continue d'apprendre, chaque jour, de nouveaux savoirs. Pour pallier la solitude du métier, je collabore avec d'autres restauratrices indépendantes comme moi.
Quels conseils peux-tu donner aux élèves ? Travailler et faire de son mieux autant que possible. En effet, mes bulletins de notes du lycée m'ont souvent été demandés, même tardivement, et mes (relativement) bonnes notes m'ont ouvert de nombreuses portes. Et enfin, réalisez vos rêves, visez haut ! Moi qui pensais partir en CAP reliure pour éviter d'avoir à passer le baccalauréat, je me suis retrouvée dans une école prestigieuse avec un Master en poche et de multiples possibilités de travail. J'ai maintenant un beau métier qui me procure beaucoup de joie, une reconnaissance sociale et une stabilité financière.
Propos de Gwendoline LEMEE
recueillis par Valérie HERAULT.
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